Un scénario classique : vous avez mis un petit pécule de côté, vous souhaitez partir quelques mois ou plus en voyage ou faire le tour du monde, mais vous avez peur de lâcher votre boulot…

Dans ce cas, avez vous pensé au congé sabbatique ou au congé sans solde ? Bien peu utilisé par les voyageurs que nous avons rencontré sur les routes ou sur internet, c’est pourtant un droit ! Nous vous proposons de passer le pas en compilant toutes les informations pratiques, mais aussi en abordant les dimensions psychologiques et sociales qui peuvent être un frein à l’utilisation de ce droit inscrit dans le code du travail en France.

Le congé sabbatique, késako ?

Ce congé qu’il soit sabbatique ou dit sans solde est la possibilité de s’absenter de son travail, suspendre son contrat durant une certaine durée (entre 6 et 11 mois) durant laquelle vous ne touchez aucune rémunération et à la fin de laquelle vous reprenez votre poste (ou un poste similaire) au sein de l’organisme qui vous emploie.

Pour le dire plus familièrement, il s’agit de faire garder sa place au chaud pendant un temps donné.

couette chat congé sabbatique
Oui ma vision du congé sabbatique est discutable et alors ? – Photo Creative commons par Pieclown

Les modalités du congé sabbatique dans le privé

Dans le secteur privé,  tous les salariés peuvent demander ce type de congé à condition de respecter les critères suivants :

  • une ancienneté de 36 mois minimum dans l’entreprise, consécutifs ou non,
  • 6 ans d’expérience professionnelle,
  • ne pas avoir bénéficié, au cours des 6 années précédentes dans l’entreprise, d’un congé individuel de formation (Cif) d’une durée au moins égale à 6 mois, d’un congé de création d’entreprise ou d’un autre congé sabbatique.

Pour faire cette demande une simple lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre contre décharge au moins 3 mois avant le départ en congé suffit. Votre demande doit comporter la date de départ souhaitée et la durée de celui ci.

  • Votre employeur doit vous répondre dans un délai de 30 jours par lettre recommandée, sans quoi, cela sera considéré comme un accord tacite.
  • L’employeur peut reporter le départ en congé sans justification de 6 à 9 mois en fonction de la taille de l’entreprise. Il peut également reporter ce congé si les absences simultanées d’autres salariés sont trop conséquentes (source : site service public ). Mais c’est quand même pas de bol si plusieurs collègues décident de partir en congé sabbatique en même temps !
  • Si l’entreprise comporte moins de 200 salariés, l’employeur peut refuser ce congé s’il considère que cela porterait préjudice à la structure. Cependant, le comité d’entreprise ou les délégués du personnel doivent émettre un avis et le refus, s’il est décidé, doit être argumenté et précisé par lettre recommandée au demandeur. Celui ci peut saisir le bureau de jugement des prud’hommes pour contester cette décision.

Dans les faits, je vois mal comment l’absence d’un salarié, à lui tout seul, pourrait porter à ce point préjudice à l’entreprise !!! Comme on le dit souvent, personne n’est irremplaçable, même dans les petites structures (n’en déplaise à l’égo de certains…).

Cela signifie aussi que si vous respectez les critères et que votre entreprise emploie plus de 200 salariés, votre congé sabbatique ne pourra pas être refusé (seulement reporté de quelques mois).
C’est quand même bon à savoir, non ?

Et le congé sabbatique dans la fonction publique ?

Dans la fonction publique, on parlera de mise en disponibilité et non de congé sabbatique. Elle est accordée de droit et pour une durée maximale de 3 ans pour les motifs suivants (élever ses enfants, s’occuper d’un proche malade, suivre un conjoint muté…).

Pour d’autres motifs (convenance personnelle, études, création d’entreprise …), le congé pourra être refusé s’il porte préjudice au service. S’il est accepté, les durées maximales ainsi que la possibilité de renouveler une demande dépendront des motifs invoqués. Dans la suite de l’article, je ne parlerai que du secteur privé.

Une fois en congé sabbatique, votre situation est la suivante :

  • votre contrat de travail est suspendu
  •  Vous ne touchez pas de rémunération (sauf cas spécifiques). Je recevais tout de même une fiche de paie, le montant était simplement nul.
  • Vous avez le droit de travailler durant ce congé à condition de respecter les règles de loyauté et non-concurrence qui s’appliquent à votre contrat. Ceci signifie que si vous souhaitez vous réorienter professionnellement par exemple, cela peut être un moyen de tester une nouvelle activité pro ou d’aller en formation.
  • A votre retour, vous retrouverez votre poste (ou un poste similaire) avec une rémunération équivalente à celle que vous aviez avant de partir
  • Vous ne pouvez pas demander à réintégrer votre poste avant la fin de votre congé (donc soyez sûr de la durée demandée).

Les différences entre congé sabbatique et congé sans solde

Voici un tableau de mon cru pour y voir plus clair entre le congé sabbatique et le congé sans solde sachant que nous avons testé les deux.

 Congé sabbatique Congé sans solde
Critères ou conditions à respecter – Une ancienneté de 36 mois minimum dans l’entreprise, consécutifs ou non– 6 ans d’expérience professionnelle,- Ne pas avoir bénéficié, au cours des 6 années précédentes dans l’entreprise, d’un congé individuel de formation (Cif) d’une durée au moins égale à 6 mois, d’un congé de création d’entreprise ou d’un autre congé sabbatique.Aucun critère particulier sauf si les conventions collectives ou accord d’entreprise le stipulent
Durée De 6 à 11 moisPas de durée minimale ou maximale
Demande – A faire au moins 3 mois avant la date de départ en lettre recommandée avec accusé de réception
– l’employeur doit répondre dans un délai d’un mois
Pas de modalités définies. Le délai de demande peut être préciser dans les conventions collectives ou accord d’entreprise. Il est conseillé de le faire en lettre recommandée avec avis de réception en précisant les dates de départ, de retour et les conditions de retour à la suite du congé.
Accord – Si vous remplissez les critères et si l’entreprise comporte plus de 200 salariés, l’employeur ne peut refuser mais reporter de quelques mois la demande
– si l’entreprise a plus de 200 salariés, en cas de refus, celui ci doit être motivé et prouver le préjudice pour l’entreprise (bonne chance !)
– L’accord est soumis à l’appréciation de l’employeur, il n’y a aucune obligation
Protection sociale – Remboursement et indemnités journalières en cas de maladie et maternité pour un maximum d’un an– Remboursement et indemnités journalières en cas de maladie et maternité pour un maximum d’un an
– Attention, vous n’avez plus de protection sociale si ce congé dépasse un an !
Attention la protection sociale subit un régime spécial si vous partez à l’étranger, voir infos ici

Alors congé sabbatique (disponibilité dans la fonction publique) ou congé sans solde ?

La grande différence entre les deux est le cadre réglementaire stricte que l’on retrouve dans le congé sabbatique mais pas pour le congé sans solde. Les droits, une fois le congé accepté, sont les mêmes notamment concernant le retour. Voici quelques cas de figure qui peuvent vous aider à savoir quel congé privilégier en fonction des situations.

Situation Quel congé demander ?
Vous ne remplissez pas les critères du congé sabbatiqueCongé sans solde
Vous êtes dans les critères du congé sabbatique, vous souhaitez partir entre 6 et 11 mois et vous voulez éviter au maximum le refus de votre employeurCongé sabbatique
Vous sentez ou êtes sûr(e) que votre employeur est favorable à votre congéDemandez plutôt un congé sans solde. De cette manière si vous voulez partir quelques années plus tard et que vous remplissez les critères, vous n’aurez pas grillé votre option congé sabbatique (qui contraint plus les employeurs)
Vous souhaitez partir sur une autre durée inférieur à 6 mois ou supérieure à 11 moisCongé sans solde
Vous envisagez de partir plus d’une fois dans un délai de moins de 6 ansVous ne pouvez pas cumuler deux congés sabbatiques sur une durée inférieur à 6 ans. Vous devrez donc conjuguer congé sabbatique et congé sans solde ou deux congés sans solde.

Pourquoi ce droit au congé sabbatique est très peu utilisé ?

Au delà du manque d’information sur ses droits (les employeurs, curieusement, ne se pressent pas pour nous fournir le parfait guide du congé sabbatique), c’est en discutant avec des voyageurs et en puisant dans notre propre démarche que j’ai pu identifier quelques freins personnels nous empêchant parfois de réclamer ce droit.

La crainte d’être pris pour un tire au flanc !

plage panama congé sabbatique détente
Le cliché de la personne qui prend un congé sabbatique c’est ça ! Ou une photo de pieds en éventail !

Dans une société hyperproductiviste, menacée par le chômage et la précarité (on vous le rappelle C’EST LA CRISE !), l’idée d’arrêter de bosser alors qu’on a la chance d’avoir un travail parait obscène. Au delà de la jalousie que cela pourrait soulever chez vos collègues, sachez que l’ennemi numéro 1 sera vous même. En effet, happé par les représentations sociales, vous pourrez assez rapidement ressentir une certaine culpabilité à l’idée d’oser demander ce précieux sésame. Peur de passer pour une feignasse (je rappelle qu’on peut prendre ce congé aussi pour bosser), peur qu’on pense de vous que vous êtes rempli d’ingratitude pour cette structure qui vous a tant donné, ou bien encore que l’on soupçonne chez vous un mal être et un ras le bol pour votre métier… Finalement c’est l’idée que vous vous faites de vous même dans votre rapport au travail qui va être impactée. A moins que ce soit l’image que vous renvoyez aux autres et leurs jugements qui vous effraient. Essayez d’identifier où se place le curseur pour mieux pouvoir évacuer cette question par la suite. Cela vous sera également utile lors de votre retour pour assumer complètement vos choix et être à l’aise dans vos baskets.

Sachez que vous n’éviterez sans doute pas quelques réflexions de personnes mal intentionnées. Dites vous que c’est bien souvent la jalousie qui les guident et non pas une abnégation dévouée à leur travail.

On l’oublie bien souvent mais être en activité revêt beaucoup d’autres réalités que le travail (bénévolat, s’occuper de sa famille, être volontaire, apprendre, voyager…)

Le fantasme du passe droit

pyramide congé sabbatique
Non, ton employeur ne te vénère pas, il respecte juste la loi !

L’autre obstacle serait de penser que tout cela dépend de « la tête du client » et par conséquent de ne pas le demander. Pour cela, j’espère que mes paragraphes d’apprentis juristes du dessus vous auront convaincu. Le congé sabbatique est un droit alors il ne faut pas hésiter à le demander lorsqu’on le peut et on le veut !

Bien sûr, il y aura toujours des mauvaises langues pour penser que c’est un passe droit ou l’illustration d’un certain favoritisme. Pour les faire taire ou anticiper les malentendus, dispensez leur un cours du droit du travail improvisé. Et je dirais même qu’il est intéressant de le placer au même plan que d’autres droits (congés maternité, formations etc…) que l’on ne conteste pas.

Cette crainte en revanche peut être raisonnable lorsqu’on évoque le congé sans solde (puisqu’il n’est pas réglementé). Si on vous l’accorde, vous pourrez alors avoir peur de passer pour le chouchou du patron (et encore je mâche mes mots), ou pire, d’être accusé d’avoir utilisé des stratagèmes inavouables pour aboutir à vos fins. C’est sûr que ce n’est pas un sentiment très agréable. Cette jalousie sous-jacente est d’autant plus forte que le motif du congé est exaltant (voyage à l’autre bout du monde par exemple).

Rétorquez alors au plus envieux que s’ils en ont tellement envie, ils n’ont qu’à faire pareil ! Bizarrement ensuite y’a plus personne … (euh non mais je suis bien dans mon boulot moi … et puis j’ai des gosses… et puis je préfère voyager de mon canapé blablabla)

Le complexe du « c’est pas pour moi »

En discutant avec de nombreuses personnes sur la route, des forums ou par courriel, je me suis souvent rendue compte que bon nombre de personnes, sans s’être renseigné plus en détail, ont le sentiment de prime abord que le congé sabbatique ne peut s’appliquer à leur réalité de travail. Il y a un peu l’idée du « c’est trop beau pour être vrai ! » ou du « on me le ferait payer d’une manière ou d’une autre ».

Et pourtant, en creusant un peu plus, il est arrivé que ces personnes au lieu de démissionner auraient pu faire ce choix. Ce qui est étonnant dans certains cas de figure, c’est que certaines personnes qui connaissent pourtant l’existence de ce type de congés ne sont pas allés s’informer plus que ça. Il y a comme une forme d’autocensure, l’idée que ces congés c’est pour les autres.

L’incertitude du retour

arbre congé sabbatique
Je veux pas revenir !

Mais si certains ne creusent pas davantage cette question, je pense que c’est que le retour est enveloppé d’une lourde incertitude. En prenant un congé sabbatique alors que l’on part pour un projet, l’idée d’avoir un plan de secours peut, paradoxalement, être effrayant. L’impression de rester enchaîné à son travail, d’avoir l’obligation morale de revenir, de ne pas sortir suffisamment de sa zone de confort.

A ce stade là, je dirais que cela dépend de chacun, si l’on prend l’exemple d’un voyage au long cours, certains préféreront tout quitter, de manière radicale pour se séparer de toutes leurs attaches et se sentir plus libre de partir, de parcourir le monde et qui sait de ne pas revenir. D’autres au contraire, ne pourront avoir l’esprit tranquille et se consacrer à leur projet si l’épée de Damoclès du chômage flotte au dessus de leurs têtes. Et puis, certains souhaitent aussi que ce congé ne soit qu’une parenthèse et désirent reprendre ensuite leur travail.

Dans tous les cas, je pense qu’il ne faut pas se sentir d’obligation concernant le retour. A un moment T, lorsque l’on demande ce congé, on peut être dans la perspective de revenir mais en quelques mois qui peut prédire le nombre d’événements qui peuvent venir chambouler une vie (que l’on soit en congé sabbatique ou pas d’ailleurs). Il faut envisager le congé sabbatique ou sans solde comme une opportunité qui nous est offerte pour découvrir un ailleurs, de nouvelles expériences, prendre le temps pour soi, pour ses proches, bref pour vivre ! Une opportunité qui nous assure, qui plus est une bouée de secours, un refuge si au bout du chemin, on a décidé de reprendre sa vie avant la parenthèse. Et vue le marché du travail cela peut être très rassurant.

Dernière chose à s’enlever de la tête, penser que revenir à son travail initial serait une forme d’échec. Tout d’abord, on peut très bien partir en congé sabbatique alors qu’on adore son boulot et qu’on a envie d’évoluer dans ce domaine. Simplement, il faut parfois se séparer pour mieux se retrouver. C’est un moyen de recharger les batteries, de trouver de nouvelles inspirations, d’avoir un regard plus critique.

D’autre part, même si l’on revient sans en avoir une grande motivation, on peut être certain que ce n’est pas un retour à la case départ car quelques mois de voyage ou d’un projet personnel longuement préparé cela change une femme (ou un homme !).

Congé sabbatique et droit chômage, comment ça se passe ?
Avant de conclure, j’ajoute cette question car elle revient assez souvent et est corrélée aux questionnements précédents.

Pour répondre à cette question, il faut étudier plusieurs cas de figure.

Je démissionne suite à un congé sabbatique ou sans solde, vais-je avoir droit au chômage ?

La réponse est non. Comme pour tous les cas de démission, vous n’avez pas le droit au chômage, du moins pendant 4 mois après la rupture du contrat de travail. Après ces 4 mois, si vous justifiez d’une intense recherche de travail, vous pouvez demander à ce que votre dossier soit étudier pour prétendre à une allocation chômage.

Je fais une rupture conventionnelle suite à un congé sabbatique ou sans solde, vais recevoir une allocation chômage ?

La réponse est oui ! Les indemnités chômage sont calculées sur les 12 derniers précédent votre départ en congé sabbatique ou sans solde. Votre employeur doit déclarer le montant du salaire des 12 derniers mois « normaux », c’est à dire sans congés sans solde, arrêt maladie etc.

Votre contrat de travail est en réalité considéré comme suspendu pendant un congé sabbatique.

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En conclusion

Vous avez désormais la réponse à la fameuse question « Mais comment tu as fait pour ton travail ? ». J’espère avoir pu vous apporter des éléments de réponse claires et avoir contribué à vulgariser et faire connaitre ces droits (qu’on nous envie outre-atlantique). Comme je l’ai mentionné, nos propres représentations ou le regard des autres peuvent être des freins à l’accès de nos droits. Je souhaite donc que ces lignes seront autant de pistes de réflexion qui vous aideront à choisir ce qui est le mieux pour vous.

Démission, congé sabbatique, sans solde… Quel que soit votre choix, je vous souhaite de beaux voyages mais aussi tout un tas d’autres projets qui pourront se concrétiser.

Et n’hésitez pas à nous faire part de vos interrogations, réactions ou témoignages en commentaires et à partager largement cet article si vous l’avez aimé !

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Laura

Droguée aux voyages depuis maintenant plus de 15 ans, je sillonne la planète avec Seb à la recherche de petites ou de grosses bêtes. Des forêts luxuriantes jusqu'aux déserts lunaires, c'est un terrain de jeu parfait pour m'adonner à ma deuxième passion : la photo.

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