Beaucoup de fantasmes embrassent la forêt d’Amazonie. Dans l’inconscient populaire, c’est une jungle impénétrable remplie de bêtes dangereuses, aux habitants mystiques. Tout de suite viennent à l’esprit des images d’explorateurs en chemise écrue se frayant un chemin à coups de machette, cernés par des reptiles sournois.

En tout cas, c’était ma vision fantasmée de l’Amazonie, bien que conscient que ce sont les livres et films de mon enfance qui m’ont imprégné de cette image.

Lors de notre premier séjour en Équateur en 2006, nous avons eu avec Laura l’occasion unique de nous confronter à ces fantasmes, en sillonnant la forêt primaire de la communauté de Campo Cocha (2500 ha pour 203 habitants). Si marcher dans ces paradis végétaux est une expérience intense, dormir au cœur de la jungle à la belle étoile est un moment exceptionnel.

Une première rencontre avec la forêt d’Amazonie, en Équateur

Pour effectuer cette randonnée, deux indiens (kichwa ou quechua) de la communauté nous accompagnaient. Gallo qui parle espagnol, ouvrait le chemin et nous transmettait sa connaissance de la forêt « la selva ». Silverio, muet, veillait sur nous comme un ange protecteur. Ce personnage assez mystique semblait tout droit sorti d’un film. Vivre ce trek avec deux habitants du village, pratiquement nés dans cette forêt, en tête à tête avec eux a largement dépassé la cadre d’une simple randonnée.

Guide
Sylverio, un de nos guides pendant ce trek

Après avoir quitté le village, nous commençons par traverser les plantations de manioc et de bananiers. Ces cultures vivrières laissent rapidement place à la forêt secondaire. On appelle secondaire les forêts jeunes, qui ont repoussé après avoir été exploitées, mais tout est relatif, une forêt de moins de 100 ans est considérée comme jeune (besoin d’une définition complète ? Regardez par ici)…

Les arbres ne sont pas bien hauts, les troncs encore assez fins, mais les bruits changent. Déjà les sons des insectes se font plus intenses et variés, quelques oiseaux donnent de la voix. Les bruits de nos pas et nos voix sont plus étouffés.

Gallo nous montre quelques lianes aux vertus diverses : celle-ci soigne la diarrhée, celle-ci le mal de crâne et celle là fait pousser les cheveux…

Nous nous enfonçons progressivement dans la forêt et la végétation se fait plus dense, les arbres de plus en plus majestueux et chargés de lianes et de mousses.

trek Amazonie
Sur la route pour notre randonnée en Amazonie dans la province de Tena,

Nous croisons une mygale tranquillement endormie dans son trou. Elle nous rappelle que de nombreux insectes peuplent ces lieux, pas toujours facilement visibles. Il faut ouvrir l’œil. Gallo nous y incite dans un double objectif : nous montrer les merveilles de l’Amazonie, mais aussi nous sensibiliser à ses dangers potentiels.

Fourmis amazonie
C’est souvent des petites bêtes qu’il faut se méfier le plus. Ces fourmis par exemple, font très très mal !
Se balader dans la forêt d'Amazonie, c'est dangereux ?
Avant de partir randonnée dans la forêt primaire, nous nous demandions si nous allions flipper à propos des plantes venimeuses, insectes et autres bébêtes potentiellement dangereuses. Mais une fois sur place, toutes ces réticences étaient bien lointaines. La crainte à laissé la place à l’émerveillement (et nous ne sommes pas spécialement aventuriers). A tel point que nos guides ont bien fait de nous rappeler quelques règles à observer pour admirer la jungle en toute sécurité.

  • laissez passer le guide devant vous, il connaît bien la forêt et saura ouvrir le chemin
  • soyez attentifs à ce qui vous entoure, au sol comme dans les airs
  • ne touchez à rien. C’est sans doute la règle la plus importante, certains végétaux sont urticants ou toxiques, sans parler des petits animaux (mais cette règle est plus simple à observer ;)
  • portez des bottes en caoutchouc (vous aurez les pieds trempés de toute façon) et des vêtements longs, même s’il fait chaud. De toute façon, après de bonnes griffures et une attaque en règle de moustiques, vous le ferez volontiers
  • hydratez vous très régulièrement. Ce n’est pas parce que c’est un milieu très humide qu’il ne faut pas boire, bien au contraire. Il fait (très) chaud et la marche, ça fatigue…
  • un petit bonus : soyez discrets, le meilleur moyen pour avoir la chance d’observer des animaux

Les montées, descentes et cours d’eau se succèdent avec une variété infinie d’espèces végétales. La forêt semble immense et sa diversité infinie.

L'horizon sans fin de l'amazonie
L’horizon sans fin de la forêt pluvieuse d’Amazonie

Nous sommes surpris notamment par la diversité des orchidées, des insectes, des papillons.

Après une bonne journée de marche, coupée par de nombreuses pauses et un bon repas servi dans une feuille de bananier (zéro déchet !), nous arrivons vers 16-17h (la nuit tombe tôt au niveau de l’équateur) au « campement » du soir. Nous sommes en réalité au cœur de la forêt, à une journée de marche de la moindre construction humaine. A côté d’un cours d’eau, le milieu est assez ouvert et sublime, un décor de film d’aventure.

Pendant que nous nous baignons, Silveiro et Gallo fabriquent un abri de fortune composé de quelques branches surmontées d’une bâche. Nous tentons de pêcher pour agrémenter le repas du soir, la prise aura été maigre, mais ce petit plus revêt un caractère particulier. Pêcher, puis manger un poisson au cœur de l’Amazonie, ce n’est pas une activité courante pour nous…

Pendant le repas, nous avons eu l’occasion de discuter à bâton rompu avec Gallo, au moins aussi curieux que nous d’en savoir plus sur la culture de l’autre. Silverio n’est pas en reste, communiquant par gestes avec Gallo qui se fait interprète. Nous apprenons notamment que l’argent a été introduit il y a seulement une vingtaine d’année dans la communauté, avec ses bons et ses mauvais côtés. La récente implantation d’une compagnie pétrolière inquiète également la communauté qui refuse jusqu’à maintenant de la laisser explorer sa forêt, malgré la promesse d’emplois, d’une école, d’infrastructures flambants neuves. Des expériences malheureuses d’autres communautés voisines les ont persuadé que ce n’était pas une solution sur le long terme. Ils tiennent trop à leur forêt et leur mode de vie kichwa !

Quand vient la nuit, au cœur de la jungle de l’Équateur

La nuit fut un mélange d’émotions, entre la conscience de vivre un moment unique et des mésaventures toutes amazoniennes…

Le lit était constitué d’une bâche en plastique allant du sol jusqu’au dessus de nos têtes, pour nous protéger de la pluie.

Heureusement, nous avions amené une moustiquaire pour ne pas être dérangés par les bébêtes. Il faut dire que ce harcèlement des moustiques peut vite devenir lassant. D’ailleurs en inspectant le lit avant de dormir, nous tombons nez à nez avec un petit scorpion. Vu les précautions et l’air inquiet de Gallo et Silverio, il ne devait pas être très sympa. Ils se sont empressés de le brûler, on ne sait jamais… Très rassurant ! Nous sommes « protégés » par la moustiquaire, mais eux préfèrent dormir sur des feuilles de bananier.

Ainsi commence une longue nuit.

La dureté du sol et une certaine réticence de Laura vis à vis des insectes (on peut la comprendre après l’épisode du scorpion) rendent le sommeil difficile à trouver.

Vers 4h du matin, nous découvrons à nos dépens ce que forêt pluviale signifie. Des trombes d’eau s’abattent sur nous. La bâche montre très vite ses limites et les guides s’évertuent à nous conserver un coin au sec. Pendant deux bonnes heures, nous restons plantés assis sur un coin de moustiquaire. Nous arriverons tant bien que mal à finir la nuit, presque au sec.

Au petit matin, la pluie continue, mais plus ténue. Nous nous levons, effarés de constater que le petit ruisseau de la veille s’est transformé en torrent boueux.

Mais malgré le manque de sommeil et cette humidité omniprésente, nous n’avons pas de mal à nous remettre en route, toujours aussi excités par la poursuite de notre exploration de la forêt Amazonienne.

Arbre
Seb se prend pour un grand explorateur mais il a trouvé plus grand que lui

Les variations dans le paysage sont impressionnantes. Après quelques instants de marche, Silverio sort du tabac, se fait une cigarette « traditionnelle » et fume pour chasser la pluie. Miracle ! Ça fonctionne ! 5 minutes après la pluie cesse… Coïncidence heureuse ? Je préfère faire comme si j’y croyait. Nous repartons crevés et trempés, mais heureux, prêts pour 6h de marche.

Sur le chemin du retour vers campo cocha, nous avons l’occasion de faire un peu de hors piste, en nous frayant un passage à coups de machettes. La voilà notre image d’épinal !

Une faune rare et précieuse

Depuis le début, nos guides font leur possible pour nous montrer des animaux. Mais nous ne sommes pas dans un parc national, la faune ne bénéficie pas de la même protection. D’ailleurs, nous avons eu l’occasion de visiter un centre de récupération des animaux braconnés dans les environs. Un lieu à la fois triste et plein d’espoir…

singes
Singes que nous verrons de beaucoup plus près au centre de récupération des animaux

Bref, nous avons entendu beaucoup d’animaux, en particulier des oiseaux, mais les grands animaux sont difficiles à débusquer en pleine forêt. Mais vous savez quoi, et bien c’est tant mieux ! Car l’excitation en est décuplée, les sens s’affûtent, et quel bonheur quand on a eu la chance d’observer un groupe d’une dizaine de toucans, des « pollo de la selva » et d’entendre des singes hurleurs !

Chant des oiseaux
Gallo imite le chant des oiseaux pour les faire venir

Nous avons visité beaucoup d’autres forêts tropicales pluvieuses depuis ce voyage, où nous avons croisé des coatis, des singes, et même de petits félins, mais le plaisir n’a jamais été aussi intense que lors de cette randonnée, alors que nous avons vu moins de grande faune.

Pourquoi ? Probablement parce que c’était notre première expérience en forêt primaire, parce que nous étions en excellente compagnie, parce que nous étions en immersion totale après cette nuit au cœur de l’Amazonie.

Selfie
Bonus photo pour ceux qui sont allés jusqu’au bout de l’article. Un selfie, chose rare chez nous !

P.S : Ce voyage étant vieux, la qualité des photos n’est pas tip top en comparaison des articles plus récents, on se bonifie avec l’âge.

Informations pratiques – trek en Amazonie à Campo Cocha

 

Trek en Amazonie équatorienne
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Transports vers Campo Cocha

Pour vous rendre dans la communauté kichwa de Campo Cocha, il faudra au préalable vous rendre à Tena, la capitale de la province. Tena est accessible depuis Banos ou Quito (6 heures) assez simplement en bus. C’est également possible depuis Puyo.

Puis depuis Tena, des minibus font le trajet vers les communautés de la région, dont Campo Cocha. Puyo étant sur le trajet entre Tena et Campo Cocha, les infos ci dessous restent valables.

Deux options s’offrent à vous :

  • le plus économique

Prendre le bus de la compagnie Centinela ou Jumandy direction Santa Rosa / Colonia los rios et descendre au second arrêt du village de Campo Cocha, a la choza (toit en feuille de palmier) après le premier arrêt de bus construit en ciment.

Durée du trajet : 1h30. Coût : 1,25 $.

De là, prendre le chemin sur votre gauche et marcher jusqu’au bout (là où se trouve le fleuve) : +/- 15 min. Les cabanes sont les dernières maisons, sur la gauche.

  • le plus sympathique

Prendre le bus de la compagnie Centinela ou Jumandy direction Ahuano.
Durée du trajet : 1h15. Coût : 1,20 $.

De là, au terminus prendre une pirogue (7$ la pirogue) et demander au conducteur de vous laisser à Campo Cocha, a las cabanas Nanambiiki.
Durée du trajet : 15 min. Coût : 7 $.

Logement

Au moment où nous étions, il n’y avait guère le choix : seules les cabanes de nanambikii accueillaient les voyageurs. De belles cabanes vous attendent, pour un beau projet de tourisme communautaire.

Trek dans la forêt Amazonienne de Tena

Cesar le propriétaire des cabanes de nanambikii vous mettra en relation avec des habitants du village pour vous accompagner dans la forêt primaire pour la durée de votre choix !

Les activités à Campo Cocha et sur le rio Arajuno

Des excursions culturelles sont possibles autour de Campo Cocha, en plus de la découverte de la vie quotidienne dans la communauté.

Vous pourrez :

  • visiter un centre culturel quechua,
  • faire des tours en pirogue sur le rio Napo, un affluent de l’Amazone,
  • découvrir les secrets de la fabrication de la chicha, boisson traditionnelle à base de manioc fermenté
  • visiter un centre de réhabilitation d’animaux blessés ou sauvés du braconnage

Mise à jour 2018 : le site internet des cabanes de nanambikii n’est plus en ligne et nous n’avons pas trouvé de coordonnées directes. Aussi nous avons eu quelques retours récents indiquant que le projet n’était plus aussi bien intégré dans la communauté et que l’accueil s’était dégradé. Prudence donc, nous ne savons pas s’il s’agit d’une véritable dégradation ou simplement de quelques mauvaises expérience.

Pour aller plus loin, quelques autres récits de randonnée en forêt tropicale

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