La Meuse est un département trop méconnu de la région Grand Est. Moi même, je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait lors de ce séhour. Dès les premiers instants, j’ai été surprise par ses paysages bucoliques et vallonnés.
Durant cette visite de la Meuse sans voiture, je me concentre sur trois destinations : Verdun, Bar-le-duc et Saint Mihiel. En chemin, les surprises se succèdent entre lieux artistiques insolites, pépites culturelles bien cachées et sites de mémoire bouleversants.
C’est parti pour 5 jours de voyage pour voir que faire dans la Meuse.
Immersion artistique autour de Saint Mihiel
Cette visite de la Meuse démarre à Fresnes-au-Mont. Je suis attendue par Pascal Yonnet, directeur artistique de Vent des Forêts ; un centre d’art contemporain très atypique. En effet, ses œuvres sont exposées en plein air entre forêts et prairies réparties sur 6 communes. Elles sont accessibles gratuitement et librement pour tout le monde. Chaque année, des artistes viennent s’installer sur place pour imaginer une œuvre et la réaliser. Ils sont en lien avec les habitants et s’inspirent du territoire.
Découvrir Vent des forêts et ses artistes
Au delà de la démarche artistique, il y a une volonté de maillage et d’ouverture sociale. Avant d’aller à mon hébergement atypique, Pascal m’emmène dans un lieu emblématique de Vent des Forêts, un lieu où se tissent ses interactions : le café de Vent des Forêts. Cet ancien bistro de village à été repris par l’association. Il est resté dans sa décoration et ambiance d’origine pleine de charme et accueille les visiteurs et randonneurs.
J’ai la chance d’y rencontrer plusieurs artistes en pleine création. J’engage la conversation avec Marguerite. Elle me parle de son œuvre collective élaborée avec des personnes incarcérées lors d’ateliers qu’elle anime en prison. C’est une immense créature en tissu qui se gonflera d’air et volera tel un dirigeable. J’aime l’humilité et la générosité qui se dégagent de notre échange. Marguerite est allée à la rencontre des prisonniers sans préjugés et avec une solide envie de partager son savoir faire. Ainsi, elle leur offre un espace de liberté artistique et un terrain d’expression.
Dans une grange attenante au café de Vent des forets, je rencontre Max, un autre artiste en résidence. Il est en train de réaliser des créatures anthropomorphiques en béton. Nous échangeons sur sa démarche créative, de l’idée initiale jusqu’aux finitions en passant par la fabrication des moules.
Curieuse, je le questionne aussi sur ses intentions. Mais Max ne souhaite pas imposer une vision personnelle de ses personnages. Il souhaite plutôt inviter chacun à ressentir l’œuvre, à se l’approprier et à l’interpréter à sa façon.
Vivre une nuit insolite en pleine forêt
Après ces belles rencontres avec les artistes, la nuit est tombée et il est temps pour moi de regagner une des deux cabanes proposées par Vent des Forêts : le Nichoir. Ces hébergements insolites dans les bois (La Noisette et le Nichoir) sont aussi pensés comme des œuvres d’art. Le Nichoir a été imaginé par la célèbre designeuse Matali Crasset.
Il étonne autant qu’il se fond dans le paysage. Il me fait penser à une graine qui se planterait et s’ancrerait dans le sol. En entrant, c’est intriguant de prendre ses marques dans cette architecture en forme de losange.
Dans ce petit espace, tout est bien pensé autour d’un foyer où l’on peut réchauffer son repas au feu de bois. A l’étage, il y a un petit dortoir avec 4 couchages. J’ai aimé ce minimalisme et cette immersion totale avec la forêt. Durant la nuit, j’ai été bercée par la danse des branchages, le clapotis du ruisseau et la mélopée des oiseaux.
Au petit matin, ce sentiment de plénitude et d’apaisement se poursuit. Je prends le temps d’apprécier chaque seconde. J’étire le temps en prenant mon petit déjeuner au ralenti. Malgré ma discrétion, ma présence surprend un chevreuil qui passe non loin. Il me toise tout en aboyant bruyamment. Ce tête à tête est fabuleux.
Randonner sur les sentiers de Vent des forêts
Après cette parenthèse enchantée, le moment est venu de découvrir les œuvres de Vent des Forêts. Pour cela, il suffit, depuis le Nichoir, de rejoindre l’un des 7 sentiers balisés. En tout, il y a 45 km ponctués d’œuvres à parcourir. J’opte pour « le circuit des trois fontaines », à proximité du Nichoir. En chemin, je surprends plusieurs chevreuils et même un renard. La forêt en elle même est superbe et je me sens tout à fait dans mon élément.
Je ne tarde pas à croiser une première création. Pour n’en manquer aucune, je suis munie d’une carte qui localise les œuvres sur l’itinéraire. Il est aussi possible de télécharger l’application gratuite « Vent des Forêts » pour suivre les différentes randonnées et prévisualiser les œuvres. Certaines sont très visibles, d’autres plus discrètes.
Devant chacune d’entre elles, un panneau permet de prendre connaissance de l’auteur et de sa démarche artistique. Je vogue de sculptures en installations avec bonheur. A chaque fois, je prends le temps de ressentir ce que me provoque cette rencontre, en quoi elle m’interpelle ou m’indiffère. Les propositions artistiques sont très variées que ce soit dans leur format, matériaux et univers.
Je passe d’une émotion à une autre, de l’émerveillement à l’étonnement en passant par le bouleversement. La distance entre les œuvres me permet de « digérer » chaque découverte. Plusieurs œuvres m’ont particulièrement plu et ce pour diverses raisons. J’aime le côté ludique des bas-reliefs en céramique incrustés dans les troncs d’arbres, qu’il faut trouver, lors de « la promenade des dragons » d’Antoine Marquis. Ses personnages en mouvement se fondent parfaitement dans l’environnement.
J’aime aussi beaucoup les œuvres monumentales comme l’étonnant masque d’acier « salut pour tous, encore des agapes à moratoire orphique » de Théodore Fivel qui cache subtilement un four à pain. Cette œuvre invite à des moments de partage autour d’un repas. Plus loin, la convivialité laisse place à une terrible réalité. Joël Thépault a enterré 8 voitures dont seul le toit et des bagages dépassent symbolisant ainsi l’exode durant la première guerre mondiale.
Ces 9 km de découverte se finissent en beauté avec une superbe sculpture en cuivre, acier et laiton d’Amandine Guruceaga. Cela m’a donné envie d’explorer les autres sentiers. Chaque année, il y a de nouvelles œuvres, une raison de plus pour revenir !
Explorer le patrimoine surprenant de Saint-Mihiel
Après cette randonnée de 9 km, je peux rejoindre la ville de Saint-Mihiel située à quelques kilomètres. Depuis la mairie de Fresnes-au-Mont, il est possible de prendre une navette ou de faire du stop.
Avant de visiter cette Petite Cité de Caractère, je déjeune au restaurant Polmard dont la particularité est d’être intégré à une boucherie. La famille Polmard est une lignée de bouchers de père en fils. Leurs viandes sont réputées dans le monde entier et régalent les convives des plus grandes tables de Paris à Tokyo. Mais nul besoin de traverser le globe pour en profiter, je vais pouvoir me régaler ici même.
Le restaurant s’articule autour de l’étal du boucher, la décoration est très cosy et réussie. Avant de savourer un assortiment délicieux de viandes, je contemple chaque détail du décor. Un moment très plaisant pour les pupilles et les papilles.
Après ce délicieux déjeuner, je rejoins l’office de tourisme de Saint-Mihiel installé dans une abbaye. A l’étage, je visite le musée d’art sacré. Il y a deux expositions, l’une dédiée au christianisme en Ethiopie et l’autre à l’orfèvrerie religieuse. C’est très intéressant et les objets sont superbement présentés.
Dans une autre partie du bâtiment, je visite aussi l’exposition « le saillant de Saint-Mihiel, 1914-1918 de l’occupation à la libération ». Elle narre le quotidien de cette période entre réquisitions, restrictions et bombardements. On y apprend aussi la particularité des combats de tranchées sur le Saillant de Saint-Mihiel. Ce territoire de 20km où l’armée allemande avait réussi à avancer dans le dispositif français. Les objets illustrent et donnent une dimension très concrète aux évènements relatés. L’exposition se situe dans l’ancien tribunal.
A l’étage, on trouve également une pépite bien cachée, une bibliothèque bénédictine datant de 1775. Elle a été construite pour accueillir les nombreux livres et manuscrits collectés depuis la fondation de l’abbaye à l’époque carolingienne. Je suis soufflée par sa beauté et son état de conservation. Elle a su résister à de nombreuses périodes troubles, de la révolution aux différentes guerres.
Pendant longtemps, elle est restée ouverte au public et a subit des vols considérables puisque 75% des ouvrages ont ainsi disparu. Aujourd’hui, pour la préserver, seules les visites guidées sont autorisées et il n’est pas permis d’y entrer complètement. Heureusement, il demeure encore 9000 ouvrages dont certains sont extrêmement rares et anciens.
La bibliothèque se sépare en deux parties. La première pièce est dédiée aux documents administratifs. Il faut bien lever la tête pour admirer le plafond moulé et décoré avec soin et précision. La deuxième est longue de 50 mètres avec de part et d’autres d’immenses bibliothèques et 17 fenêtres disposées astucieusement.
Lors de mon passage à Saint-Mihiel, la météo n’était pas propice et je n’ai donc pas pu flâner à ma guise. C’est bien dommage car Saint-Mihiel, surnommée aussi la petite Florence de Lorraine, possède de nombreux hôtels particuliers d’époque Renaissance du XVIIe et XVIIIe.
Cette richesse artistique se retrouve aussi par le patrimoine laissé par le sculpteur Ligier Richier, fondateur de l’école de sculpture sammielloise. Ses œuvres sont singulières, car il a le don de donner vie à la pierre, ses personnages donnant l’illusion d’être en mouvement. Les détails sur les chevelures et les habits sont remarquables.
On peut voir de beaux exemples dans les églises de la ville avec notamment le sépulcre à l’église Saint-Etienne et la pamoison de la Vierge dans l’église Saint-Michel. Je ne connaissais pas ce sculpteur auparavant, mais je comprends amplement pourquoi il fait la fierté de la Meuse.
Je rejoins ensuite le marché couvert où je vais prendre un bus en direction de Verdun, la seconde étape de cette visite de la Meuse sans voiture.
Visiter la ville de Verdun
Verdun est une ville irrémédiablement associée à l’histoire de la Première guerre mondiale. Si beaucoup de personnes y viennent pour découvrir le champ de bataille, la ville en elle même mérite qu’on s’y attarde. Malgré les dommages subis pendant la guerre, un panel architectural de différentes époques a subsisté.
Flâner des bords de la Meuse jusqu’à la ville haute
Ma balade architecturale démarre au niveau de la Porte Chaussée datant du 14e siècle, au bord de la Meuse. Elle faisait partie des portes principales le long des remparts. Ses deux tours circulaires sont superbes surtout quand elles se reflètent dans le fleuve.
A 5min de là, en direction de la gare, on peut aussi admirer la Porte Saint-Paul équipée de pont levis qui faisait partie du même ensemble. J’emprunte ensuite la rue commerçante de Saint-Paul jusqu’aux escaliers imposants du monument de la Victoire. Il m’impressionne particulièrement la nuit avec ses éclairages aux couleurs du drapeau français. En grimpant, je prends conscience que Verdun est constituée de deux parties : la ville haute et la ville basse.
Découvrir le musée de la Princerie
Arrivée à la ville haute, je pénètre tout d’abord dans un ravissant jardin ombragé où se cache le musée de la Princerie. Installé dans un ancien hôtel particulier du 16 ème siècle, il offre aux visiteurs une plongée dans l’histoire de la Meuse de la Préhistoire à nos jours.
Il abrite une collection exceptionnelle d’objets, d’artefacts et de documents des époques médiévale, gallo-romaine et contemporaine. De salles en salles, on contemple le travail des sculpteurs du moyen âge et des grands portraitistes locaux du 18ème siècle comme Jules Bastien-Lepage et Hector Leroux. La vie quotidienne du 18ème et 19ème siècle est aussi présentée à travers des reconstitutions de pièces de vie avec leur mobilier lorrain.
Le tout est entrecoupé d’expériences interactives, notamment dans la partie qui met en parallèle des œuvres anciennes et contemporaines. Un dialogue artistique très intéressant où l’on est invité à s’interroger, sentir et même toucher. Plusieurs animations très sympas sont proposées aux enfants. Dans un coffre, ils peuvent prendre plusieurs objets et les retrouver dans les œuvres. Ils peuvent aussi reproduire ou composer des natures mortes à l’aide d’une dinette avec des fruits et légumes factices.
Les trésors de la ville haute de Verdun
Après cette parenthèse culturelle, je reprends ma balade dans les hauteurs de Verdun. Je flâne dans les jardins du centre mondial de la Paix. L’ambiance y est paisible et une terrasse donne une vue éblouissante sur la ville.
De l’autre côté, sur le parvis de cet ancien palais épiscopal, une exposition bouleversante sur la guerre en Ukraine nous rappelle que la paix n’est jamais acquise. A l’intérieur, le centre international de la Paix propose différentes expositions pérennes ou temporaires qui permettent de mettre en perspective l’histoire des guerres, les processus de paix et l’actualité contemporaine.
Attenant à cet édifice, on trouve la cathédrale de Verdun, l’une des plus anciennes cathédrale de Lorraine et même d’Europe. Elle a traversé les époques et a été remaniée au gré des évènements historiques. On y retrouve donc tous les styles architecturaux du roman rhénan au baroque. Elle a notamment été prise pour cible lors de la bataille de Verdun. Ses vitraux avaient alors explosé en mille morceaux. Après la guerre, ils ont été remplacés par le maitre verrier Jean Jacques Grüber.
La visite de la très belle crypte romane est un moment émouvant car elle rend hommage aux soldats de 1916. Aujourd’hui, deux des quatre clochers rectangulaires sont toujours debout, ils dominent la ville et nous invitent à prendre de la hauteur. En me baladant dans les ruelles, je trouve ensuite un escalier qui me ramène à la ville basse.
Les pépites architecturales de la ville basse de Verdun
Dans le cœur de Verdun, je scrute tous les édifices à la recherche de bâtiments de style art déco. Si vous ouvrez l’œil vous en trouverez plusieurs, comme celui au 12 rue Mazel, qui abrite aujourd’hui un espace proposant des escape games. Il était fermé lors de mon passage, mais j’ai pu voir les sublimes décors à l’intérieur.
Sur les quais de Londres, il y a aussi un cinéma art déco abandonné et un majestueux immeuble où est installé désormais une banque.
Les quais sont très agréables pour prendre un verre ou un café. Je vous recommande d’aller en boire un à De Baristi, de vrais baristas qui servent du café de spécialité. De l’autre coté de la Meuse, j’ai aussi déniché un autre cinéma art déco superbe. Après cette chasse aux trésors Art déco, je me dirige vers la citadelle de Verdun.
Vivre une expérience immersive à la citadelle souterraine de Verdun
D’origine médiévale, la citadelle de Verdun a été construite au 15ème siècle et avait pour objectif de protéger la ville contre les invasions ennemies. Elle était dotée de puissantes fortifications, comprenant des remparts, des tours, des bastions et des douves qui en faisaient une place forte presque imprenable.
Au fil des siècles elle s’est renforcée notamment avec les transformations de Vauban au 17e siècle. Plus tard, en 1871, suite à la perte de l’Alsace Moselle, Verdun ne se situe qu’à 60km de Metz tenue désormais par les Allemands. En prévision d’autres conflits, 4 km de galeries souterraines sont creusées pour pouvoir accueillir des hommes, des vivres et du matériel militaire.
Pendant la Première Guerre mondiale, la citadelle de Verdun a été le théâtre de l’une des batailles les plus féroces et meurtrières de l’histoire. En 1916, les forces allemandes ont lancé une offensive massive contre les lignes françaises, visant à briser la résistance de l’armée française.
Pendant près de dix mois, les champs de bataille autour de Verdun ont été le lieu de combats acharnés. La citadelle n’a pas échappée aux bombardements répétés. Ces galeries souterraines ont alors servi à la mise en place d’un important centre logistique militaire.
Un parcours en réalité augmenté à été imaginé pour explorer la vie de la citadelle souterraine lors de la bataille de Verdun. Muni d’un casque de réalité augmentée, chaque visiteur est invité à monter à bord d’un wagon. Il va se déplacer dans les galeries souterraines.
En chemin, on suit le parcours du soldat Jean Rivière et de ses camarades. On découvre alors tous les rôles de la Citadelle en lien avec le front. Ici se croisaient les soldats de retour des champs de bataille et ceux qui s’y préparaient. Les soldats pouvaient se reposer, vivre un moment de trêve et y être soignés.
Tout au long du parcours, on partage leurs émotions et leurs espoirs. On touche du doigt le quotidien des hommes dans ces tunnels, de la fabrication des 40 000 pains journaliers à l’entreposage des munitions en passant par les instants tactiques et les cérémonies militaires. Une véritable fourmilière dont la vie était rythmée par les bombardements et les nouvelles du front.
Le dispositif est très bien fait et l’immersion est totale. C’est une manière sensible et humaine d’aborder cette guerre.
Visiter le musée des poilus du poste de garde
En face de la citadelle souterraine, un nouveau musée vient d’ouvrir au printemps 2023, le musée des poilus du poste de garde. Il est à l’initiative de Camille Tridon, un collectionneur de la première heure.
Parmi ses nombreux objets sur la première guerre mondiale, le carnet de dessin du soldat Michel Jean-Baptiste Dupré l’interpelle particulièrement. Ces esquisses témoignent avec réalisme, humanité et talent des moments forts de la première guerre mondiale.
En les montrant à un autre passionné, celui-ci reconnait les lieux et à l’impression d’avoir déjà vécu ces mêmes instants. Il lui montre alors les clichés d’un soldat photographe Pierre Branger. La similitude entre les clichés et les dessins est saisissante.
Et pour cause Pierre Branger et Michel Dupré ont fait partie du même régiment. Ce sont ces dessins et photographies qui sont le fil conducteur de ce musée. Camille les met en relation dans des mises en scène regroupant des objets d’époque pour narrer différents moments de la première guerre mondiale. On est transporté dans les entrailles du champ de bataille, au cœur de villages détruits ou sur les péniches « de repos » au bord de la Meuse.
J’ai beaucoup aimé suivre ce témoignage sensible laissé par deux hommes qui ont vécu dans leur chair cette période de l’histoire. Au-delà des combats, on découvre aussi que même dans l’horreur absolue subsistaient des moments de répit et des instants de création. J’ai été subjugué notamment par tous les objets réalisés à base de douilles d’obus ou de déchets de guerre. Après la visite, vous pouvez prolonger l’expérience dans le café restaurant du musée dont la décoration chinée rappelle cette époque.
Dormir sur une péniche au Savy hôtel
Pour conclure cette belle visite de Verdun, je dors au Savy hotel. Il s’agit d’un hébergement atypique puisque les chambres sont à bord d’une péniche. Elle est amarrée sur les rives de la Meuse, au centre ville, prés de la porte Chaussée.
La localisation en plein centre ville et à 10 min à pied de la gare est idéale. Sur le ponton, la terrasse permet d’admirer la Meuse au petit déjeuner ou en prenant un verre en fin de journée. L’ambiance est accueillante et la décoration moderne est super soignée.
Je contemple les moindres détails cosy de ma chambre. La vue au ras de l’eau est très relaxante, je peux y voir passer des oiseaux. Le soir, je profite de la proximité avec le centre de Verdun pour aller m’y balader de nuit. Les lumières donnent une autre dimension à la ville.
Visiter le champ de Bataille de Verdun
Après cette découverte de Verdun, il me reste à rejoindre le champ de bataille. Même si je ne suis habituellement pas attirée par le tourisme de mémoire, l’histoire si singulière de Verdun pique ma curiosité. Dans mon optique de séjour sans voiture, je décide d’explorer le champ de bataille à vélo. Pour cela, rien de plus simple, je file en louer un à l’office de tourisme de Verdun.
Balade sur la voie verte de Verdun jusqu’au champ de bataille
Pour rejoindre le champ de bataille à vélo, il y a plusieurs chemins possibles. J’opte pour celui qui passe par la voie verte longeant la Meuse. C’est un peu plus long mais beaucoup plus paisible.
Avant de la rejoindre, je fais un petit crochet par la fabrique des dragées Braquier. Ses ateliers disposent d’un couloir de découverte. On peut ainsi observer toutes les étapes de la fabrication des dragées, du tri des amandes à l’enrobage. On peut aussi espionner la réalisation d’une confiserie très originale : l’obus de Verdun. Il s’agit d’un chocolat en forme d’obus dans lequel est inséré un petit dispositif détonnant.
On peut garnir l’obus de confettis ou d’autres choses qui seront révélés par l’explosion. De quoi surprendre ses convives ou faire une demande en mariage inoubliable.
Ensuite, le long de la voie verte, je profite du cadre bucolique de la campagne meusienne. Je ne l’aurai pas imaginé aussi vallonnée. Le soleil rayonnant sublime encore plus ce paysage aux couleurs printanières. Depuis Verdun, je pédale ainsi jusqu’à Bras-sur-Meuse. En chemin, je croise des vaches et aussi des militaires en plein entrainement commando. Amusée, je me fraye un passage entre les uniformes.
Arrivée au niveau de l’écluse à Bras-sur-Meuse, je quitte la voie verte pour grimper jusqu’au champ de bataille. Si vous n’êtes pas un(e) cycliste aguerri(e) je vous recommande d’avoir, comme moi, un vélo à assistance électrique, car ça monte vraiment !
Visiter le Mémorial de Verdun
Pour démarrer cette journée sur le champ de bataille de Verdun, je vous recommande d’aller au Mémorial de Verdun. Ce musée retrace l’histoire de la bataille de Verdun dans ses moindres détails. On y apprend pourquoi Verdun était une cible de choix pour les Allemands, en quoi elle était symbolique pour faire pencher l’issue de la guerre. Je prends aussi conscience, à travers les expositions très bien conçues, en quoi la bataille de Verdun est particulière dans l’histoire de la première guerre mondiale. Quelques chiffres sont éclairants. Par exemple, 75% des soldats français sont passés à Verdun. Cette bataille fait donc partie du vécu d’une majorité d’anciens combattants. Elle les fédère dans leur chair et leur nécessité de mémoire.
Le choix de scénographie sombre permet une immersion dans l’horreur de cette bataille. Des installations vidéos tentent de nous faire toucher du doigt ce que fût cette bataille. Je suis percutée par la vision aérienne du champ de bataille. Son sol est impacté par des millions d’impacts d’obus, un territoire lunaire et macabre.
D’autres chiffres viennent me heurter : 60 millions d’obus tirés, 300 000 morts en 300 jours de bataille soit 1000 morts par jour…
Mes souvenirs d’école sur la première guerre mondiale se précisent et je prends conscience de la singularité et l’importance de cette bataille.
Le Mémorial a aussi à cœur d’apporter des témoignages humains à travers des objets du quotidien des soldats et des œuvres de combattants. Il est très important de saisir ce que vivaient ces hommes, entre moments de terreur absolue et instants de camaraderie.
J’ai été émue de découvrir ce que l’on appelle l’artisanat des tranchées. Pendant les moments de pause, les hommes créaient des objets à partir de ce qu’ils avaient à disposition (bois, douilles d’obus…). C’est difficile d’imaginer une telle faculté artistique dans ce contexte. Cette bataille a aussi obligé les hommes à perfectionner leurs techniques de médecine.
L’important nombre de blessés a permis de tester et d’expérimenter de nombreux procédés inédits. Je termine cette visite sur la terrasse du Mémorial autour duquel se déploie aujourd’hui une forêt qui estompe mais n’efface pas les traces de la guerre.
Verdun, une forêt pas comme les autres
Cette forêt que j’aperçois depuis la terrasse est très spécifique. Pour en percer les secrets, j’ai rendez-vous avec Guillaume Rouard de l’ONF. Grâce à ses connaissances, je vais pouvoir m’imaginer cet environnement avant, pendant et après la guerre. Avant 1914, ce qui est aujourd’hui appelé le champs de bataille de Verdun était un ensemble de villages, de champs cultivés et de quelques parcelles boisées.
La guerre a tout ravagé, tous les arbres ont été brûlés et des millions d’obus ont martelé définitivement la terre.
A la fin de la guerre, la question du devenir de ce territoire s’est posée. Devait on rebâtir les villages ? Y cultiver de nouveau ? Les anciens combattants ont souhaité sanctuariser les lieux et y bâtir uniquement des édifices de commémoration et de mémoire. Guillaume m’apprend aussi qu’on estime à 80 000 le nombre de corps de soldats qui seraient encore enfouis dans le champ de bataille. Je comprend encore plus la nécessité de préserver ce lieu.
Après la guerre, la nature a repris ses droits. Les amphibiens ont profité des milliers de mares créées par les impacts d’obus pour se développer. Les chiroptères également ont su tirer partie de la situation en s’installant dans les multiples édifices militaires (forts, abris etc…) où les conditions d’obscurité et d’humidité sont propices. La forêt s’est développée, car de nombreux pins offerts par les allemands ont été plantés.
Cela a permis d’éviter que le champ de bataille soit recouvert de broussailles impénétrables rendant impossible l’accès à des sites historiques. Même si la forêt recouvre quasiment tout le champ de bataille, les traces d’impacts d’obus sont encore bien perceptibles. C’est une des choses qui m’a le plus bouleversée. Ce terrain bosselé, encore marqué 100 ans plus tard, permet de se représenter de manière tangible la violence de la guerre.
Aujourd’hui, cette forêt doit mener une autre « guerre », écologique cette fois-ci. Le réchauffement climatique la met en péril. Des parasites comme le scolyte déciment les pins. L’omniprésence de cette essence fragilise donc la forêt. Depuis plusieurs années, L’ONF plante une diversité d’espèces d’arbres dont certains pourraient être plus adaptées au climat à venir.
Explorer le fort de Douamont
Je continue cette journée sur le champ de bataille au fort de Douaumont. Après la perte de l’Alsace Lorraine, le général Séré de Rivières décide l’extension de 4 places fortes dans l’Est de la France, notamment Verdun. Le fort du Douaumont fait donc partie d’un ensemble d’édifices de défense (forts, ouvrages, abris, batterie d’infanterie…) répartis sur plus de 40 km sur les côtes de Meuse.
Avant de m’engouffrer à l’intérieur, j’emprunte le chemin menant au sommet du fort. Les environs se déploient à l’infini, je retrouve ce sol cabossé et cette forêt résiliente qui m’émeuvent tant. Depuis ce matin, les émotions se bousculent et m’imprègnent plus fortement. C’est « quelque chose » d’être en lieu et place de l’histoire qu’on nous relate.
Je n’aurais pas pensé être si chamboulée, je pensais naïvement garder une certaine distance avec l’Histoire mais je ne peux m’empêcher d’imaginer ces soldats morts aux combats comme des frères, des pères, des amis. J’essaye d’imaginer ce qui a pu les traverser, et ce qui traverse tous ceux qui aujourd’hui encore sont confrontés à la guerre.
Encore récemment, je voyais les deux guerres mondiales comme des évènements lointains. Pourtant quand je replonge dans les événements et les origines de la guerre, que je les mets en perspectives avec l’actualité, cela me donne la chair de poule. Je prends alors toute la mesure du devoir de mémoire. Parler de la guerre c’est cultiver la paix et ne jamais oublier qu’il faut en prendre soin.
A l’intérieur, la puissance du fort se révèle avec ses imposants canons et tourelles d’artillerie. A côté, des salles aux fonctions diverses (dortoirs, cuisines, entrepôt, …) se succèdent dans un labyrinthe qui me semble interminable. Imaginer la vie ici me fait suffoquer. J’en ressors donc assez rapidement. Je pressens déjà que ma dernière visite du champs de bataille de Verdun ne va pas voir faiblir mon émotion.
Se recueillir à l’Ossuaire du Douaumont.
En quelques minutes, je rejoins l’Ossuaire du Douaumont. Ce monument érigé à la mémoire des soldats de 1916 fend les airs. Sa tour s’élève dans le ciel tel un phare. Elle est flanquée de plusieurs ailes s’étirant en longueur. Les deux principales se rejoignent pour constituer le cloître long de 137 mètres.
L’Ossuaire semble veiller sur les milliers de croix blanches disséminées avec ordre devant l’édifice. Ce sont les tombes de soldats dont l’identité n’a pu être déterminée. Après la guerre, l’évêque Monseigneur Ginisty se rend compte que des milliers de corps demeurent non identifiés. Il prend alors l’initiative de créer cet ossuaire pour que les corps inconnus puissent être inhumés et que les familles puissent avoir un lieu de recueillement.
L’architecture de l’Ossuaire est à la hauteur du courage et du sacrifice de ces hommes. Sa construction n’a été rendue possible que par les dons de particuliers.
En sachant cela, j’entre dans l’ossuaire avec le plus de respect possible. Si le lieu se visite, il reste avant tout un lieu de recueillement et d’hommage. Je pénètre silencieusement dans le cloître. Cette longue allée baignée d’une lumière orangée très douce accueille 22 alvéoles représentant les 46 terrains de combats de Verdun. Des milliers de plaques gravées tapissent les murs et la voûte du cloître. Elles portent le nom de soldats français ou allemands morts à Verdun et dont le corps n’a jamais été identifié. Un moyen pour les familles endeuillées d’avoir un lieu symbolique pour rendre hommage à leurs proches. Certaines plaques sont dédiées à des régiments entiers.
Attenant au cloître, on trouve une chapelle de style romano byzantin. C’est une des parties les plus anciennes de l’ossuaire. Un escalier mène au sommet de la tour. Sa hauteur achève de me donner le tournis.
Savoir que 130 000 personnes reposent ici est bouleversant. Je grimpe la tour dans un tourbillon d’émotions fortes. En haut, je vois les lumières qui s’activent chaque nuit pour rappeler l’histoire et le sacrifice de ces hommes. Là encore, le paysage se dévoile dans toute sa splendeur, à la fois beau et tragique. La forêt d’arbres côtoie celle des croix blanches.
Après cette journée émouvante, je rentre à Verdun en vélo. On ne ressort pas indemne d’une telle expérience.
Remonter l’histoire à Bar-le-duc dans la Meuse
Pour la troisième et dernière étape de ma visite de la Meuse sans voiture, je prends un bus depuis Verdun en direction de Bar-le-Duc.
Bar-le-duc, une ville d’art et d’histoire
Encore une fois, en arrivant à Bar-le-duc, je ne sais pas à quoi m’attendre. J’ai rarement entendu parler de cette ville. J’apprends alors qu’elle est labellisée « Ville d’art et d’histoire » ce qui présage de belles découvertes.
Depuis la gare, je traverse le centre ville où je repère déjà quelques beaux édifices art déco mais aussi des façades aux jolis décors. Bar-le-duc est une ville à la typologie singulière. Elle est séparée en trois univers distincts. La ville basse est entourée de deux quartiers perchés sur des collines, de part et d’autre : la ville haute et la côte Sainte Catherine (un quartier plus récent).
Je me dirige justement vers la ville haute réputée pour son quartier renaissance très bien préservé.
Découvrir le quartier renaissance de la ville haute
Pour ce séjour à Bar-le-duc, je vais loger au Lévrier d’argent, une très belle chambre d’hôtes lovée dans un édifice Renaissance restauré. Elle est située en plein cœur du quartier Renaissance. Je profite du soleil de fin de journée pour contempler les détails des belles façades. Je m’amuse à trouver de beaux frontons sculptés, des gargouilles et des pilastres cannelés réalisés en pierre de Savonnières.
Ce quartier s’est développé autour du château et a attiré des nobles et des aristocrates. C’était le centre administratif, politique et judiciaire de la ville. Je m’y balade au hasard, me laissant surprendre par les monuments comme la porte de l’horloge, la porte romane et l’église Saint-Etienne. Du château, il ne reste que des vestiges où s’est installé le musée Barrois.
De là, on peut admirer des panoramas sur tout Bar-le-Duc. Un sentier se faufile le long des anciens remparts. Une balade très agréable. D’ici, on a un autre aperçu sur la tour de l’horloge et l’on distingue bien les différents quartiers de la ville basse.
Lorsque j’étais à Saint-Mihiel et que j’ai découvert le sculpteur Ligier Richier, on m’a parlé d’une de ses œuvres remarquables bien cachée à Bar le Duc. Elle est exposée à l’église Saint Etienne dans le quartier renaissance. Déjà en photo, cette sculpture m’avait fait grande impression. Sa découverte « en vrai » accentue ma fascination. Le transi est une sculpture funéraire en l’honneur de René de Chalon.
Habituellement, un transi représente le mort de manière fidèle et couché. Dans ce cas, il se tient bien debout et il prend la forme d’un squelette décharné. Les détails de la peau et des os sont saisissants. La manière dont Ligier Richier a creusé la cavité thoracique est spectaculaire, il est difficile de croire qu’il s’agit de pierre calcaire.
Dans ce quartier, je vous recommande aussi de pousser la porte du pressoir seigneurial dans la rue des Ducs. Il est le témoin d’une vieille tradition viticole dans la Meuse. C’est un pressoir à levier datant du 15e siècle qui est remarquablement préservé. Encore une pépite bien cachée dans ce séjour.
S’étonner devant un savoir-faire unique au monde
Avant de reprendre la navette qui m’amènera à mon train, je fais un petit détour à la boutique A la Lorraine de la maison Dutriez. J’ai hâte d’y découvrir un savoir-faire insolite qui requiert une extrême patience.
Anne, la propriétaire de la maison Dutriez m’explique qu’en 1344 un duc aurait exigé de manger de la confiture de groseilles et non de la gelée. Le problème ? Une confiture de groseille réalisée avec les pépins est immangeable. Un artisan a donc imaginé un procédé pour répondre au caprice du duc. Il a eu l’idée d’utiliser une plume d’oie pour enlever les pépins.
Ainsi épépinées, les groseilles étaient prêtes à êtres transformées en confiture.
Ce caviar sucré a ravi plus d’un palais et le savoir faire s’est transmis pendant 600 ans. Après la guerre, cette fabrication a décliné. Depuis 1974, il n’y a que la maison Dutriez qui détient cette recette spéciale. Anne a pris la relève de ses grands parents et poursuit la réalisation de confitures de groseilles blanches ou rouges. Son travail a été reconnu par le label « Entreprise du Patrimoine vivant ».
Je profite d’une démonstration pour apprécier le geste précis et habile d’Anne. Il est nécessaire d’être très délicat pour ne pas retirer la pulpe en même temps que les pépins.
Une personne débutante met environ 15h pour épépiner un kilo de groseilles. J’essaye à mon tour et je réalise que le geste n’est pas si simple qu’il n’y parait. En quelques minutes d’épépinage, je constate à quel point il faut être concentrée pour réaliser cette tâche. Est-ce que cette folie en vaut la peine ? J’ai pu gouter cette précieuse préparation et c’est un véritable délice.
C’est sur cette note acidulée que s’achève ma visite de la Meuse. Je pourrais la qualifier de surprenante. L’air de rien, ce territoire, au-delà de son histoire, recèle des pépites étonnantes et bien cachées. Les trouver exhausse l’expérience de voyage. Certaines d’entres-elles sont d’ailleurs uniques au monde, alors vous savez ce qu’ils vous restent à faire pour les découvrir à votre tour : visiter la Meuse !
Guide pratique tourisme – Visiter la Meuse
Comment se rendre dans la Meuse ?
La Meuse est desservie par différentes gares. La principale est celle de Meuse TGV à seulement 1h de Paris. De là, différentes navettes permettent de rejoindre Bar-le-duc, Verdun, Commercy. Elles peuvent être réservées au moment même de l’achat de votre billet de train. Les horaires des navettes sont calées à celles des TGV.
En savoir plus sur les navettes TGV depuis la gare de Meuse TGV
Comment se déplacer dans la Meuse ? Mon trajet sans voiture
En fonction de là où vous voulez vous rendre, il sera nécessaire ou non d’avoir une voiture.
Voici mon itinéraire dans la Meuse sans voiture :
- Arrivée à la gare de Meuse TGV
- Meuse TGV – Fresnes-au-Mont (Vents des Forêts) : Navette Meuse TGV-Commercy
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