Lorsqu’on évoque le tourisme durable, il est souvent question de respect de l’environnement. La dimension humaine est parfois mise en arrière plan. Pourtant, nos actes en tant que voyageurs peuvent avoir des répercussions sur les dynamiques sociales d’un pays. J’ai justement envie de vous parler aujourd’hui de la condition des enfants et des conséquences que peuvent avoir certains actes de notre part. J’ai déjà traité en filigrane de cette question dans différents articles, mais j’avais envie de partager plus précisément ma réflexion sur le sujet.
Il s’agit bien sûr de mon expérience personnelle et cet article se veut avant tout un prémisse au débat avec vous cher-e-s voyageurs-es !
En tant que voyageur dans des pays dit « en développement », il n’est malheureusement pas rare de rencontrer des enfants accompagnés ou non qui mendient. Difficile de ne pas être sensible aux situations difficiles que vivent certaines populations. La culpabilité aussi parfois s’en mêle et nous pousse à donner finalement quelques pièces.
Si pour celui qui donne, ce geste apparemment anodin est d’intention généreuse. Si ce geste n’a qu’une visée qui se veut bénéfique, malheureusement c’est bien souvent l’inverse qui se produit.
Mendicité, travail des enfants et déscolarisation
Un des premiers arguments avancé par les enfants pour vous convaincre de leur donner de l’argent est qu’il servira à payer leur frais de scolarité. La réalité est selon moi tout autre. Je crois que donner de l’argent à des enfants les éloigne au contraire des bancs de l’école.
Même dans les pays où l’école est gratuite et accessible pour tous, nous pouvons voir des enfants qui mendient. Pourquoi ? Parce que l’appât du gain (parfois disproportionné par rapport à ce que pourrait gagner un adulte en travaillant) est plus tentant à la fois pour l’enfant mais aussi pour sa famille.
Cette situation peut même avoir un effet néfaste dans la sphère familiale. Comment un enfant peut-il comprendre qu’un étranger puisse lui offrir en un clin d’œil ce que ces parents ne pourront jamais lui donner ? Donner à un enfant peut se résumer à disqualifier ses parents, à entraver leur autorité, à intervertir les rôles (les enfants gagnent plus que leurs parents et deviennent les garants des revenus familiaux).
Mendicité, travail des enfants et exploitation criminelle
Au delà de la simple initiative personnelle ou familiale, la mendicité représente dans de nombreux pays de véritables systèmes organisés d’exploitation des enfants.
Un des exemples que nous avons bien observés est celui des « talibés » au Sénégal. Une tradition encore bien présente, veut qu’au moins un enfant de la famille aille suivre l’enseignement coranique dans une daara (école coranique). Malheureusement de nombreux marabouts qui dirigent ces écoles exploitent les enfants dont ils ont la charge et les force à aller mendier toute la journée, les exposant ainsi aux risques de la rue. Ils vivent dans des conditions insoutenables, sont maltraités et abusés. La situation est telle que le gouvernement sénégalais a pris des mesures pour sortir les enfants des rues et faire cesser ces pratiques. Mais le chemin reste encore très long à parcourir, la tradition et la pratique religieuse étant difficiles à faire évoluer (quelque soit le pays !). C’est pourquoi il est crucial de ne pas donner d’argent à ces enfants.
Pour en savoir plus : un article sur les talibés par human rights watch
Dans d’autres pays, des mafias profitent de la vulnérabilité des enfants. En Inde, des organisations criminelles n’hésitent pas à kidnapper des milliers d’enfants pour les envoyer ensuite dans les rues. Ils sont alors forcés à mendier ou à se prostituer. Pire, ils peuvent aller jusqu’à mutiler les enfants pour attirer davantage la compassion des gens et ainsi engranger plus de bénéfices. Mais l’Inde n’est pas le seul pays a avoir recours à ce genre de pratique.
Quant au travail des enfants il a les mêmes travers que ceux de la mendicité. Certains travaux mettent aussi directement leur santé en jeu à court ou moyen terme, les privant d’un avenir épanouissant. Dans le domaine du voyage, nous ne pouvons pas nécessairement voir toutes les formes de travail des enfants (qui sont souvent cachées) mais pour celles qui sont perceptibles (vendeurs de rues, « guides », serviteurs, prostitution…) il me parait fondamental de les condamner et de ne pas y contribuer.
En voyage, par exemple, je suis très attentive à ne pas acheter à des vendeurs lorsqu’il s’agit d’enfants.
Bien entendu, il est atroce de devoir dire non à un enfant en difficulté. Et c’est bien notre corde sensible qui peut être utilisée pour de sombres desseins. C’est pourquoi je conseille de faire appel à la raison. Au delà d’une situation particulière, si déchirante soit-elle, il est important de penser à une échelle macro et sur le long terme. Si on contribue à ces business, pourquoi ces profiteurs ou criminels arrêteraient-ils ? Au contraire, ils ne feront que continuer et ce sont encore d’autres enfants qui tomberont dans leurs filets.
A l’inverse, si ces enfants ne « rapportent plus », on peut espérer à terme qu’ils finissent par choisir d’autres activités plus lucratives.
Les dommages collatéraux du don
Si donner de l’argent comporte des effets non maîtrisables, qu’en est-il des petits cadeaux (stylos, cahiers, bonbons…) ?
Qu’on se le dise, la plupart des objets qui sont donnés aux enfants, quand ils ont une valeur, sont revendus. Dans ce cas là, cela revient au même que l’argent. Les cadeaux qui sont remis peuvent s’avérer inutile et leur valeur réside davantage dans le bénéfice de sa revente que dans son utilisation.
Pour ce qui est des bonbons et autres sucreries, c’est un vrai fléau d’un point de vue sanitaire. Les enfants qui se retrouvent ainsi gavés gagnent par la même occasion de nombreux problèmes bucco-dentaires dont les soins ne pourront être réalisés faute d’infrastructures et/ou de moyens.
Dans la campagne marocaine, nous avons été affligés de constater que de nombreux visiteurs (marocains ou étrangers) balançaient des sucreries par la fenêtre de leur voiture sans même s’arrêter ou connaître les réels besoins de ces enfants. En France, on s’offusquerait de ne donner à manger que des gâteaux et du chocolat plutôt que de vrais repas aux enfants précaires. Pourquoi serait-ce différent à l’étranger ?
A long terme, quelles sont les conséquences ?
Les enfants habitués depuis leur plus jeune âge à la mendicité, d’autant plus quand ils n’ont pas pu aller à l’école, n’auront pas beaucoup de ressources pour faire autre chose dans leur vie. A moyen et long terme, répondre à la mendicité n’aide donc pas les personnes à pouvoir développer leur potentiel et sortir de la misère.
Donner à des enfants des produits que l’on a rapporté de son pays ne contribue en rien à l’économie locale du pays, au contraire, d’une certaine manière elle lui fait de la concurrence. Si vous voulez absolument donner des stylos, cahiers, livres, je vous conseille de vous tourner vers une ONG locale, et d’acheter tout sur place (ça contribuera aux commerces locaux, et ça vous coûtera moins cher !).
Enfin, au risque de paraître cynique, l’ambiance est souvent pesante dans les lieux touristiques où la mendicité, le rabattage et la vente intempestive sont développés. A tel point que des voyageurs peuvent finalement décider de bouder ces endroits. A long terme, la chute du tourisme et de ses revenus peuvent être délétères pour la population. Cela peut sembler cruel, voir pédant d’inciter ainsi à repousser les personnes défavorisées des lieux touristiques. Mais comprenez moi, bien, il ne s’agit pas de cacher la misère, mais bien de la combattre.
Volontariat auprès des enfants
Le volontariat a le vent en poupe. A tel point que l’on assiste malheureusement à un réel business. Du volontariat, certaines agences sont passées au volontourisme. Des personnes pleines de bonne volonté sont invitées à payer pour donner de leur temps et de leur énergie au service d’une cause. Sans y regarder de très près, on pourrait trouver cela très bien, mais…
Je ne vais parler que des missions auprès des enfants ici (car c’est le sujet de l’article).
Qui ne serait pas attendri et n’aurait pas envie d’aider les enfants démunis des 4 coins de la planète ? Je serais tenté de dire personne (mais ne soyons pas trop des bisounours tout de même).
A l’occasion de mes différentes expériences professionnelles, j’ai rencontré de nombreux étudiants en partance pour une mission de scolarisation ou d’apprentissage du français en Afrique ou ailleurs. Sur la route, nous avons aussi rencontré de nombreuses personnes qui revenaient d’un séjour de volontariat. Et même si je ne veux pas faire de généralités, de nombreux constats se rejoignent :
- La question de la temporalité des missions me pose sérieusement question. Les enfants ont besoin de stabilité et le turn over incessant me semble incompatible. D’autant plus que des attaches émotionnelles peuvent se créer en peu de temps et pour les enfants c’est donc autant de ruptures permanentes.
- Au delà de cette dimension, je m’interroge aussi sur la qualification des volontaires qui viennent faire apprendre le français ou d’autres matières.
Même si je suis convaincue que chacun peut apporter à un enfant sans qualification (j’ai travaillé en France pendant 4 ans dans une association où le principe repose sur le bénévolat d’étudiants qui donnent de leur temps pour accompagner des enfants), imaginer pouvoir apporter les apprentissages de base dans un contexte culturel que l’on ne connaît pas et alors qu’on ne peut même pas communiquer avec les enfants (car on ne parle pas leur langue) me semble totalement illusoire, voire contre productif.
Si je pousse le vice, l’argent dépensé pour venir dispenser cette aide serait sûrement bien plus efficace en la donnant à des professeurs locaux pour dispenser des cours de qualité.
Bref, nous ne sommes pas fans du volontourisme envers les enfants. L’alternative ? Le tourisme communautaire. A plusieurs reprises nous avons eu l’occasion de vivre au sein de familles aux conditions de vie modeste. Notre argent allait directement dans la poche de nos hôtes contre le gîte, le couvert et des activités de découverte culturelle. Le rapport est ainsi équilibré et l’échange culturel d’une richesse incroyable.
Lire nos expériences de tourisme communautaire au Nicaragua à Miraflor et dans la communauté de la Reyna
Nos conseils pour un voyage respectueux des droits des enfants
- Questionner les habitants, les guides des pays que vous visitez pour connaître leurs avis sur la question, ce qu’ils feraient à votre place et les effets pervers qu’ils peuvent observer. Nous le faisons systématiquement et je peux vous certifier qu’aucune personne ne nous a jamais encouragé à donner de l’argent à des enfants.
- Renseignez-vous sur les lois du pays et les campagnes de sensibilisation des gouvernements en place. Il serait dommage de saper des initiatives politiques courageuses. Au Népal et au Sénégal par exemple, les gouvernements ont mis en place des actions pour sensibiliser les touristes à cette question.
- Si vous souhaitez aider les enfants, renseignez-vous sur les ONG locales sérieuses qui peuvent recueillir votre don et en faire bon usage en fonction des réalités locales.
- Consommez local pour dynamiser l’économie locale, vous assurant ainsi que les sous aillent dans les bonnes poches
- Privilégiez les établissements, agences, activités qui développent une offre touristique durable, éthique, communautaire ou solidaire.
Comme je le disais en préambule, cet article se veut une introduction pour débattre ensemble alors n’hésitez pas à nous faire part de vos réactions ou expériences en commentaires. Pour élargir la réflexion, vous pouvez aussi lire l’excellent article collaboratif organisé par Histoire de Tongs qui réunit différents avis (dont le nôtre) sur la mendicité et qui apporte des éclairages documentés et précis.
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Laura
Droguée aux voyages depuis maintenant plus de 15 ans, je sillonne la planète avec Seb à la recherche de petites ou de grosses bêtes. Des forêts luxuriantes jusqu'aux déserts lunaires, c'est un terrain de jeu parfait pour m'adonner à ma deuxième passion : la photo.
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Un très bel article sur un sujet pour le moins difficile. Personnellement, je peux partager 2 situations vécues.
La première c’était à Cuba en 2012, lorsque l’embargo était encore en place, partout où nous allions, les enfants mendiaient auprès des touristes qu’ils voyaient. Mais attention, ils réclamaient quelque chose de peu commun: du gel douche, savon et shampoing, ainsi que des vêtements! Et oui, à ce moment-là, les salaires étaient au plus bas (environs 25 à 30€ par mois en moyenne) mais les produits de consommation tel le savon, shampoing et gel douche, quasiment aussi cher que chez nous, soit 3-4€ le flacon! Difficile de se payer ce genre de produits quand il faut aussi manger… La solution que nous avons trouvé: donner les produits de bain offerts dans les hôtels, c’est très peu mais ça leur faisait vraiment plaisir et de notre côté, nous n’importions pas de produits en plus.
La seconde c’était à l’Île Maurice où nous avons vécu 1 mois. J’y étais pour une mission d’aide humanitaire dans une association qui aide les familles en difficulté à se reloger, organise des ventes de vêtements, propose des ateliers de lecture toutes les semaines, de l’aide au devoir pour les enfants et des cours d’alphabétisation pour les adultes. Le soucis à Maurice c’est qu’il y a 3 langues: le créole (parlé en famille), l’anglais (dans les écoles les cours sont uniquement en anglais) et le français (la plupart des panneaux, menus, etc.. sont écrits en français et beaucoup de gens parlent français). Du coup c’est pas facile pour les enfants de réussir au niveau scolaire, surtout si les parents de peuvent pas l’aider. Côté frais, nous n’avons absolument rien payé envers l’association, nous étions totalement indépendants d’eux, c’est comme si un étranger venait en France en avion, se louait un studio pendant son séjour et décidait de passer tout son temps à la Croix Rouge ou au Secours Populaire. A savoir, de nombreux Mauriciens et français font partie de l’asso à l’année et viennent donc toutes les semaines en tant que bénévoles, ainsi, il n’y a pas de gros turn-over, en fait, j’étais la première étrangère à intégrer le groupe! L’expérience a été très enrichissante, que ce soit pour moi comme pour eux (j’ai été très présente, environs 7h par jour pour aider sur un peu tout les fronts et j’ai même organisé des ateliers théâtre où les enfants s’amusaient comme des petits fous). Bref, une belle expérience que je ne regrette absolument pas :)
Merci pour ces deux retours d’expériences qui montrent qu’il faut bien sûr analyser chaque situation au cas par cas pour tenter de réagir de manière la plus pertinente.
Il y a de belles expériences de volontariat à vivre, il faut juste bien se renseigner avant, avoir de la distance critique par rapport à ce qui est proposé et ne pas être trop naïf non plus (pour éviter de grosses déceptions). L’implication de bénévoles du pays fortement mobilisé peut être un bon gage de qualité et permet d’avoir une pérennité dans les actions.
Je suis totalement en accord avec tout ça… j’ai essayé de l’expliquer une fois à quelqu’un et je suis passée pour l’abominable française privilégiée qui se fout de la misère du monde, ça m’a mis un petit coup au moral je dois vous avouer :D mais j’ai toujours gardé cette opinion, toujours en essayant de garder les yeux grands ouverts sur les problématiques des pays et en essayant de faire au mieux :-)
Effectivement ce n’est pas un positionnement toujours facile à faire comprendre. Il faut beaucoup de pédagogie et surtout tomber sur des gens qui veulent bien passer de la réflexion émotionnelle à celle rationnelle. Ne pas donner c’est agir pour le long terme, ce n’est pas palpable donc pas gratifiant, cela ne flatte pas l’égo et ne permet pas de se vanter non plus d’avoir fait une bonne action…. donc pour beaucoup ça n’a pas d’intérêt. Chacun fait comme il peut mais à notre échelle si on arrive à sensibiliser quelques personnes ce sera déjà pas mal.
Très beau sujet difficile car pas de solutions miracles! Pour notre par, comme je te l’ai dit, nous n’avons jamais donné d’argent ni de bonbons! Mes enfants n’ont quasi jamais de bonbons sur eu, je me vois pas en « jeter »! c’est horrible de jeter par la fenêtre, je n’en avais jamais entendu parler, comme au zoo! Mon dieu le tourisme peut faire des ravages ;(
Par contre, petit échange avec des choses sans valeur: depuis les enfants, petites marionnettes de doigts en tissu, contre leur petite fabrication fait dans la minute de l’échange, en bambou ou feuille de palmier. Avant, mon chéri connaissant quelques beaux origamis, il déchirait une page de notre carnet de voyage pour leur créer un petit oiseau. On tente d’apprendre la marmotte en origami avec les enfants, car souvent quand on échange avec des enfants, on dit que l’on vit à la montagne!
Effectivement, l’échange est vraiment une réponse intéressante, car elle implique une réciprocité. Offrir un petit objet symbolique porteur de sens incite à aller plus loin, à discuter, dépasser cette situation inconfortable de dominance/dominé qu’implique l’argent. Cela nécessite du temps et ce n’est pas toujours facile, surtout dans les endroits où il y a beaucoup de sollicitations, mais c’est une excellente réponse je trouve.
Je trouve ta réflexion très complète.
J’ai été volontaire au Togo et au Kirghizstan, enseignant le français car c’est ce que je sais faire. Et effectivement il y a de tout dans ce monde, des gens qui sont là pour l’aventure, des entreprises qui font des économies. J’étais plutôt bien tombée mais il y avait quand même de quoi faire beaucoup mieux et plus utile.
Et je n’avais emmené avec moi que des supports pédagogiques à utiliser et/ou à laisser aux professeurs sur place. J’ai beaucoup de mal avec les personnes qui achètent des kilos de stylos et de cahiers en France pour les distribuer au fil de leur tour du monde (je ne choisis pas l’exemple au hasard, j’ai encore défendu mon opinion il y a quelques semaines sur facebook, le matériel scolaire était financé par l’entreprise d’un parent préparant un tdm en famille). Par exemple, si au Togo les enfants avaient un matériel scolaire hyper minime (je n’ai pas trop su comment ça fonctionnait sur place), au Kirghizstan il n’y avait aucun manque. Ils n’ont pas les crayons 4 couleurs, ni des gommes avec des formes rigolotes. Les feutres sont dans la classe et le prof le sort quand on en a besoin. Mais tout le monde a tout ce qu’il faut ! Et j’ai trouvé des stands au marché qui vendaient de très beaux cahiers (made in china) ainsi que tout le matériel. Pas besoin d’aller bien loin.
J’avais également lu un article sur le volontariat en Asie (Cambodge peut-être ?), où des orphelinats s’ouvrent comme des entreprises, où des enfants non orphelins sont envoyés et où ils rentrent chez leurs parents pendant les vacances…
Merci Tiphanya pour ton retour d’expérience. Je suis entièrement d’accord avec toi et ce n’est pas toujours bien compris ou facile à défendre ! Quand on joue avec les bons sentiments, dire que donner sans réfléchir n’est pas forcément la meilleure idée est difficile à entendre.
D’ailleurs comme tu le dis, le manque de matériel n’est pas souvent la priorité. Si on ne prend pas le soin d’étudier les réels besoins adaptés à chaque situation spécifique, le résultat peut être une belle perte d’argent et d’énergie…
Bref, donner pour donner ne suffit pas, quand bien même l’intention initiale est louable !
En Inde du Nord, j’ai rencontré une nouvelle forme de mendicité: des femmes d’une caste visiblement très pauvre, mendient, avec un nourrisson dans les bras. Mais la nouveauté ne réside pas dans l’enfant, non. La nouveauté c’est qu’elles ne te demandent pas de l’argent mais à manger!
En tant qu’être humain qui se souhaite être quelqu’un de bien, donner à manger à une mère et son enfant, ça parait bien non? Alors tu l’accompagnes dans une petite boutique. Les produits sont au poids. (NB: en Inde, les produits manufacturés ont tous leur prix indiqué directement sur l’étiquette). Tu lui achètes du riz. Et voilà ta conscience est allégée, tu as fait une bonne action.
Sauf que sauf que….
Le riz, tu l’as acheté plus cher que le prix réel (1ère petite arnaque) et la femme va le revendre au magasin pour avoir de l’argent! (elle est là, « l’arnaque »). Et c’est suffisamment lucratif (proportionnellement au pays concernée…) pour que des familles entières dépendent de ce système entier.
Alors je sais bien qu’il n’ s’agit pas d’un enfant qui mendit directement mais c’est pour illustrer la diversité des situations.
Et au passage, j’ai vu une touriste anglophone, agacée par le système (les mamans qui mendient ont tendance à t’attraper par le bras, l’épaule, créer un contact et te montrer le petit nourrisson) qui a vulgairement insulté ces femmes, en anglais, en criant. Et le respect de l’autres?? Que cela nous énerve je peux comprendre, mais respecter l’autre, c’est le minimum!
Et dernier exemple: en Colombie, à l’extrême Nord, nous avions pris un tour organisé et nous avons du passer dans des territoires assez reculés où vivaient des tribus assez pauvres et démunies. Et bien les enfants dressaient des cordes sur la route comme des péages de fortune à l’arrivée des 4×4 et réclamaient de la nourriture… Et effarés, nous avons vu notre chauffeur leur lancer des chips!!! Les conséquences sanitaires ne semblaient absolument pas être un souci et à voir le nombre ahurissant de petits péages que nous avions franchis ce jour là, la pratique était largement répandue dans cette zone peu accessible.
C’est un vaste sujet! Merci de l’avoir abordé!
Merci pour ces témoignages Alice, qui illustrent bien que les choses sont très complexes. Ce qui part d’un bon sentiment peut parfois nourrir un système dont les conséquences peuvent être néfastes sur le long terme.
Dans le premier cas c’est très difficile, car si on peut juger le procédé comme « trompeur », on ne doute pas que ces personnes ne roulent pas sur l’or non plus et que c’est un moyen de subsistance, voire de survie. J’avoue que sur la mendicité des adultes, je n’ai pas d’avis tranché, c’est extrêmement complexe. Si je ne cautionne évidemment pas le fait de se servir de son nourrisson et de jouer sur les cordes les plus sensibles de manière trompeuse, je ne peux me départir de l’aspect « je fais tout ce que je peux pour m’en sortir ». Ce qui est horrible dans ces cas là, c’est qu’on ne sait pas si cela va alimenter une organisation de type mafieuse, ou si ce sont des gens réellement dans un besoin vital. Mais dans tous les cas, qu’on choisisse de donner ou non, il est évident que le respect reste de rigueur, même si la mendicité se fait de manière agressive. Il ne faut pas oublier que les situations de ces personnes sont la plupart du temps très difficiles et qu’elles ne font pas ça de gaité de cœur.
Concernant ton deuxième exemple, nous avons également vu des « barrages » de ce type en Amérique latine. Mais de leur jeter des chips… Ça me laisse sans voix. Tout comme ceux qui balancent des bonbons par leur fenêtre.
Dans le genre « hardcore », une lectrice nous disait en commentaire sur facebook qu’ils avaient été confrontés à un barrage similaire au Cambodge, sauf que ce n’était pas une corde qui barrait la route, mais un nourrisson laissé devant les roues des véhicules… Comment réagir devant de telles situations ?
Ton analyse est vraiment complète et je te rejoins dans tes propos.
Après la situation est vraiment complexe et il faut faire attention à ne pas faire trop de généralité. Pour moi elle est la, la première difficulté. Chaque cas est tellement différent.
Après avoir lu ton article et les commentaires, j’ai quelques remarques à chaud. Je ne peux parler que de mon expérience à Madagascar, puisque c’est là où je vis actuellement.
Autant toutes les réflexions sont extrêmement justes et pertinentes, autant je pense qu’il est dangereux de prendre des expériences vécues dans chaque pays et en faire une règle commune. Je pense que les réflexions doivent se faire indépendamment de chaque pays en fonction du contexte. Le problème évidement, c’est qu’un touriste de passage 15 jours dans un pays ne va pas surement pas perdre du temps à analyser la situation pour savoir comment donner, à qui donner et quoi donner.
Certaines réflexions s’applique parfaitement à Madagascar, d’autres moins. Par exemple, ici, les associations ont souvent une très mauvaise réputation et très souvent, les conseils des habitants est de donner directement plutôt que passer par un organisme. Et a force de trop réfléchir, de trop chercher à qui donner et comment, on en revient à finalement plus donner du tout.
Et l’autre problème que je soulève c’est la différence de point de vu. Pour nous, les touristes, les expats, qui ne manquons de peu de chose, on est là à se questionner sur la mendicité. A voir comment changer les choses sur le long terme. Nous partageons nos idées, souvent bonnes, parfois moins, sur comment agir et faire changer les choses pour que dans 10 ans, 20 ans, 50 ans, tout aille mieux. Nous avons qu’un mot à la bouche (et à juste cause, je ne critique pas): le long terme. Alors que eux, les personnes dans le réel besoin au point de mettre leurs enfants à la mendicité, comment peuvent ils voir le long terme si leur principale crainte c’est de savoir comment trouver à manger ce soir ? Comment peuvent ils imaginer voir l’avenir dans 10 ans, s’ils ne savent même pas où dormir cette nuit ?
C’est tellement complexe et ton article représente bien la difficulté de trouver LA solution et moi même je ne l’ai pas. Pour conclure mon commentaire je dirais qu’effectivement, donner directement que ça soit de l’argent, un bonbon, un cahier, un stylo, un paquet de chips, ça n’aide certainement pas sur le long terme et ça n’aide encore moins à lutter contre les organisations qui exploitent les enfants, mais parfois, dans certains cas, donner, c’est donner un nouvel air, peut être court, mais un nouvel air quand même à un enfant ou à une famille dans le réel besoin.
Bonjour Charly,
Merci d’avoir pris le temps de poursuivre la réflexion et partager ton point de vue. Je suis tout à fait d’accord avec tes remarques, si je tente d’avoir des lignes directrices, des principes directeurs pour m’aider à agir dans le meilleur sens possible, il ne faut pas que cela devienne un carcan.
C’est une fois confronté à chaque situation unique que la décision se prend, avec les connaissances souvent superficielles qu’on peut avoir. Nous avons déjà donné à plusieurs reprises à des enfants parce que la situation nous paraissait le nécessiter. Par exemple dans le cas particulier des enfants des rues.
Impossible pour ma part d’ignorer un enfant qui semble avoir faim…
Concernant les adultes, je suis même bien plus souple, en dehors des systèmes mafieux qui doivent être combattus car conservant intrinsèquement les gens dans la misère, je pense qu’il est tout à fait bon de donner.
Bonjour, votre blog est franchement génial. Je le trouve très bien fait, avec des informations intéressantes basées sur vos expériences et de belles photos. Bravo ! Je suis touchée par cet article concernant la mendicité et le travail des enfants. Je comprends la logique derrière votre décision de ne pas leur donner de l’argent au cas où ils soient exploités par des criminels. J’espère que cela aidera à mettre un frein au travail des enfants. Cependant, s’il s’agit du seul moyen par lequel ces gamins peuvent se nourrir, ce n’est pas gagné. Quel dilemme ! ☹
C’est une question très complexe ! Au delà de l’exploitation criminelle dont vous parlez, il y a également la question d’entretenir un cercle vicieux pour certaines familles dans le besoin, car mendicité des enfants = pas d’école et cela reste le meilleur moyen de sortir de la grande précarité.
Il y a aussi la question du lien avec l’étranger, de l’image véhiculée. Bref, sur le principe je pense que c’est une mauvaise idée de donner aux enfants mendiants, mais c’est de la théorie… Car devant un enfant réellement dans un besoin urgent et vital, ce raisonnement ne peut plus tenir. Et on a quasiement jamais l’opportunité de diriger ces enfants réellement dans un besoin urgent vers les structures adaptées.
Bref, c’est de toute façon un déchirement et il n’y a pas forcément de bon ou mauvais choix !