Lorsqu’on évoque le tourisme durable, il est souvent question de respect de l’environnement. La dimension humaine est parfois mise en arrière plan. Pourtant, nos actes en tant que voyageurs peuvent avoir des répercussions sur les dynamiques sociales d’un pays. J’ai justement envie de vous parler aujourd’hui de la condition des enfants et des conséquences que peuvent avoir certains actes de notre part. J’ai déjà traité en filigrane de cette question dans différents articles, mais j’avais envie de partager plus précisément ma réflexion sur le sujet.

Il s’agit bien sûr de mon expérience personnelle  et cet article se veut avant tout un prémisse au débat avec vous cher-e-s voyageurs-es !

En tant que voyageur dans des pays dit « en développement », il n’est malheureusement pas rare de rencontrer des enfants accompagnés ou non qui mendient. Difficile de ne pas être sensible aux situations difficiles que vivent certaines populations. La culpabilité aussi parfois s’en mêle et nous pousse à donner finalement quelques pièces.

Si pour celui qui donne, ce geste apparemment anodin est d’intention généreuse. Si ce geste n’a qu’une visée qui se veut bénéfique, malheureusement c’est bien souvent l’inverse qui se produit.

Mendicité, travail des enfants et déscolarisation

Un des premiers arguments avancé par les enfants pour vous convaincre de leur donner de l’argent est qu’il servira à payer leur frais de scolarité. La réalité est selon moi tout autre. Je crois que donner de l’argent à des enfants les éloigne au contraire des bancs de l’école.

Même dans les pays où l’école est gratuite et accessible pour tous, nous pouvons voir des enfants qui mendient. Pourquoi ? Parce que l’appât du gain (parfois disproportionné par rapport à ce que pourrait gagner un adulte en travaillant) est plus tentant à la fois pour l’enfant mais aussi pour sa famille.

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Enfants du Pérou qui posent pour les touristes

Cette situation peut même avoir un effet néfaste dans la sphère familiale. Comment un enfant peut-il comprendre qu’un étranger puisse lui offrir en un clin d’œil ce que ces parents ne pourront jamais lui donner ? Donner à un enfant peut se résumer à disqualifier ses parents, à entraver leur autorité, à intervertir les rôles (les enfants gagnent plus que leurs parents et deviennent les garants des revenus familiaux).

Alors quoi, il faut les laisser crever ?
Mon propos peut paraître dur, insensible. Ne pas donner à un enfant qui mendie, ce n’est pas si simple… Si je vous donne mon opinion « théorique » sur le sujet, je ne suis pas non plus totalement dogmatique. Je me souviens notamment d’une scène absolument déchirante à Granada au Nicaragua. Des enfants des rues se jetaient sur les restes laissés par les clients d’un restaurant sur la place centrale. Avec Seb, nous n’avons bien entendu pas hésité une seconde pour leur donner à manger. La mendicité de la faim, il serait presque criminel de ne pas y répondre !

Mendicité, travail des enfants et exploitation criminelle

Au delà de la simple initiative personnelle ou familiale, la mendicité  représente dans de nombreux pays de véritables systèmes organisés d’exploitation des enfants.

Un des exemples que nous avons bien observés est celui des « talibés » au Sénégal. Une tradition encore bien présente, veut qu’au moins un enfant de la famille aille suivre l’enseignement coranique dans une daara (école coranique). Malheureusement de nombreux marabouts qui dirigent ces écoles exploitent les enfants dont ils ont la charge et les force à aller mendier toute la journée, les exposant ainsi aux risques de la rue.  Ils vivent dans des conditions insoutenables, sont maltraités et abusés. La situation est telle que le gouvernement sénégalais a pris des mesures pour sortir les enfants des rues et faire cesser ces pratiques. Mais le chemin reste encore très long à parcourir, la tradition et la pratique religieuse étant difficiles à faire évoluer (quelque soit le pays !). C’est pourquoi il est crucial de ne pas donner d’argent à ces enfants.

Pour en savoir plus : un article sur les talibés par human rights watch

Dans d’autres pays, des mafias profitent de la vulnérabilité des enfants. En Inde, des organisations criminelles n’hésitent pas à kidnapper des milliers d’enfants pour les envoyer ensuite dans les rues. Ils sont alors forcés à mendier ou à se prostituer. Pire, ils peuvent aller jusqu’à mutiler les enfants pour attirer davantage la compassion des gens et ainsi engranger plus de bénéfices. Mais l’Inde n’est pas le seul pays a avoir recours à ce genre de pratique.

Quant au travail des enfants il a les mêmes travers que ceux de la mendicité. Certains travaux mettent aussi directement leur santé en jeu à court ou moyen terme, les privant d’un avenir épanouissant. Dans le domaine du voyage, nous ne pouvons pas nécessairement voir toutes les formes de travail des enfants (qui sont souvent cachées) mais pour celles qui sont perceptibles (vendeurs de rues, « guides », serviteurs, prostitution…) il me parait fondamental de les condamner et de ne pas y contribuer.

En voyage, par exemple, je suis très attentive à ne pas acheter à des vendeurs lorsqu’il s’agit d’enfants.

Bien entendu, il est atroce de devoir dire non à un enfant en difficulté. Et c’est bien notre corde sensible qui peut être utilisée pour de sombres desseins. C’est pourquoi je conseille de faire appel à la raison.  Au delà d’une situation particulière, si déchirante soit-elle, il est important de penser à une échelle macro et sur le long terme. Si on contribue à ces business, pourquoi ces profiteurs ou criminels arrêteraient-ils ? Au contraire, ils ne feront que continuer et ce sont encore d’autres enfants qui tomberont dans leurs filets.

A l’inverse, si ces enfants ne « rapportent plus », on peut espérer à terme qu’ils finissent par choisir d’autres activités plus lucratives.

Les dommages collatéraux du don

Si donner de l’argent comporte des effets non maîtrisables, qu’en est-il des petits cadeaux (stylos, cahiers, bonbons…) ?

Qu’on se le dise, la plupart des objets qui sont donnés aux enfants, quand ils ont une valeur, sont revendus. Dans ce cas là, cela revient au même que l’argent. Les cadeaux qui sont remis peuvent s’avérer inutile et leur valeur réside davantage dans le bénéfice de sa revente que dans son utilisation.

Pour ce qui est des bonbons et autres sucreries, c’est un vrai fléau d’un point de vue sanitaire. Les enfants qui se retrouvent ainsi gavés gagnent par la même occasion de nombreux problèmes bucco-dentaires dont les soins ne pourront être réalisés faute d’infrastructures et/ou de moyens.

Dans la campagne marocaine, nous avons été affligés de constater que de nombreux visiteurs (marocains ou étrangers) balançaient des sucreries par la fenêtre de leur voiture sans même s’arrêter ou connaître les réels besoins de ces enfants. En France, on s’offusquerait de ne donner à manger que des gâteaux et du chocolat plutôt que de vrais repas aux enfants précaires. Pourquoi serait-ce différent à l’étranger ?

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Quand seule la curiosité guide la rencontre dans un village à Zanzibar

A long terme, quelles sont les conséquences ?

Les enfants habitués depuis leur plus jeune âge à la mendicité, d’autant plus quand ils n’ont pas pu aller à l’école, n’auront pas beaucoup de ressources pour faire autre chose dans leur vie. A moyen et long terme, répondre à la mendicité n’aide donc pas les personnes à pouvoir développer leur potentiel et sortir de la misère.

Donner à des enfants des produits que l’on a rapporté de son pays ne contribue en rien à l’économie locale du pays, au contraire, d’une certaine manière elle lui fait de la concurrence. Si vous voulez absolument donner des stylos, cahiers, livres, je vous conseille de vous tourner vers une ONG locale, et d’acheter tout sur place (ça contribuera aux commerces locaux, et ça vous coûtera moins cher !).

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Consommer local est un moyen simple pour aider les populations

Enfin, au risque de paraître cynique, l’ambiance est souvent pesante dans les lieux touristiques où la mendicité, le rabattage et la vente intempestive sont développés. A tel point que des voyageurs peuvent finalement décider de bouder ces endroits. A long terme, la chute du tourisme et de ses revenus peuvent être délétères pour la population. Cela peut sembler cruel, voir pédant d’inciter ainsi à repousser les personnes défavorisées des lieux touristiques. Mais comprenez moi, bien, il ne s’agit pas de cacher la misère, mais bien de la combattre.

Ne pas donner d'argent ou d'objets à une personne qui mendie ne dispense pas de les respecter
Combien de fois avons nous vu des personnes repousser violemment ou de manière très désinvolte, irrespectueuse à une sollicitation de mendicité ou même de vente un peu appuyée… Si nous sommes d’avis de ne pas donner pour ne pas alimenter un système pernicieux, il n’en reste pas moins qu’il s’agit de personnes avec des histoires particulières, souvent dramatiques qui nécessitent, je crois, une attitude empathique et respectueuse.

Volontariat auprès des enfants

Le volontariat a le vent en poupe. A tel point que l’on assiste malheureusement à un réel business. Du volontariat, certaines agences sont passées au volontourisme. Des personnes pleines de bonne volonté sont invitées à payer pour donner de leur temps et de leur énergie au service d’une cause. Sans y regarder de très près, on pourrait trouver cela très bien, mais…

Je ne vais parler que des missions auprès des enfants ici (car c’est le sujet de l’article).
Qui ne serait pas attendri et n’aurait pas envie d’aider les enfants démunis des 4 coins de la planète ? Je serais tenté de dire personne (mais ne soyons pas trop des bisounours tout de même).

A l’occasion de mes différentes expériences professionnelles, j’ai rencontré de nombreux étudiants en partance pour une mission de scolarisation ou d’apprentissage du français en Afrique ou ailleurs. Sur la route, nous avons aussi rencontré de nombreuses personnes qui revenaient d’un séjour de volontariat. Et même si je ne veux pas faire de généralités, de nombreux constats se rejoignent :

  • La question de la temporalité des missions me pose sérieusement question. Les enfants ont besoin de stabilité et le turn over incessant me semble incompatible. D’autant plus que des attaches émotionnelles peuvent se créer en peu de temps et pour les enfants c’est donc autant de ruptures permanentes.
  • Au delà de cette dimension, je m’interroge aussi sur la qualification des volontaires qui viennent faire apprendre le français ou d’autres matières.

Même si je suis convaincue que chacun peut apporter à un enfant sans qualification (j’ai travaillé en France pendant 4 ans dans une association où le principe repose sur le bénévolat d’étudiants qui donnent de leur temps pour accompagner des enfants), imaginer pouvoir apporter les apprentissages de base dans un contexte culturel que l’on ne connaît pas et alors qu’on ne peut même pas communiquer avec les enfants (car on ne parle pas leur langue) me semble totalement illusoire, voire contre productif.

Si je pousse le vice, l’argent dépensé pour venir dispenser cette aide serait sûrement bien plus efficace en la donnant à des professeurs locaux pour dispenser des cours de qualité.
Bref, nous ne sommes pas fans du volontourisme envers les enfants. L’alternative ? Le tourisme communautaire. A plusieurs reprises nous avons eu l’occasion de vivre au sein de familles aux conditions de vie modeste. Notre argent allait directement dans la poche de nos hôtes contre le gîte, le couvert et des activités de découverte culturelle. Le rapport est ainsi équilibré et l’échange culturel d’une richesse incroyable.

cours de photo
Un cours de photo improvisé avec de nombreux modèles

Lire nos expériences de tourisme communautaire au Nicaragua à Miraflor et dans la communauté de la Reyna

MendicitéTravail - Les globe blogueurs - blog voyage nature
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Nos conseils pour un voyage respectueux des droits des enfants

  • Questionner les habitants, les guides des pays que vous visitez pour connaître leurs avis sur la question, ce qu’ils feraient à votre place et les effets pervers qu’ils peuvent observer. Nous le faisons systématiquement et je peux vous certifier qu’aucune personne ne nous a jamais encouragé à donner de l’argent à des enfants.
  • Renseignez-vous sur les lois du pays et les campagnes de sensibilisation des gouvernements en place. Il serait dommage de saper des initiatives politiques courageuses. Au Népal et au Sénégal par exemple, les gouvernements ont mis en place des actions pour sensibiliser les touristes à cette question.
  • Si vous souhaitez aider les enfants, renseignez-vous sur les ONG locales sérieuses qui peuvent recueillir votre don et en faire bon usage en fonction des réalités locales.
  • Consommez local pour dynamiser l’économie locale, vous assurant ainsi que les sous aillent dans les bonnes poches
  • Privilégiez les établissements, agences, activités qui développent une offre touristique durable, éthique, communautaire ou solidaire.

 

Comme je le disais en préambule, cet article se veut une introduction pour débattre ensemble alors n’hésitez pas à nous faire part de vos réactions ou expériences en commentaires. Pour élargir la réflexion, vous pouvez aussi lire l’excellent article collaboratif organisé par Histoire de Tongs qui réunit différents avis (dont le nôtre) sur la mendicité et qui apporte des éclairages documentés et précis. 

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Laura

Droguée aux voyages depuis maintenant plus de 15 ans, je sillonne la planète avec Seb à la recherche de petites ou de grosses bêtes. Des forêts luxuriantes jusqu'aux déserts lunaires, c'est un terrain de jeu parfait pour m'adonner à ma deuxième passion : la photo.

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